Périodes d’attente et ressources de la santé ================================================ * James W. Waddell Les récentes discussions entre les premiers ministres et les ministres de la Santé des gouvernements fédéral et provinciaux ont de nouveau mis l’accent sur le problème des périodes d’attente pour les soins médicaux facultatifs au Canada. Dans bien des régions, on s’intéresse de plus en plus aux périodes d’attente pour les services de diagnostic et de traitement. On a aussi constaté un rationnement occasionnel des soins médicaux dans divers milieux, principalement à cause d’un manque de ressources humaines et matérielles. Le gouvernement fédéral de même qu’un certain nombre de provinces ont favorisé le concept de périodes d’attente acceptables pour des interventions de diagnostic et de traitement. Malheureusement, un régime de faveur est apparu. Depuis longtemps, l’Association canadienne d’orthopédie et beaucoup d’associations orthopédiques provinciales ont ciblé l’arthroplastie du genou et de la hanche (AGH) comme faisant l’objet de périodes d’attente qui sont malheureusement prolongées. Ces attentes, souvent documentées à un an ou plus, causent une détresse énorme chez les patients et une inquiétude aussi bien chez le médecin traitant que le médecin conseil. La mise sur pied du Registre canadien des remplacements articulaires a permis aux chirurgiens orthopédiques de documenter les périodes d’attente réelles, de la consultation initiale avec un spécialiste jusqu’à l’AGH, de même que le niveau d’invalidité de leurs patients avant l’intervention chirurgicale. Un effort concerté de l’Association canadienne d’orthopédie et du Registre canadien des remplacements articulaires a contribué à promouvoir l’établissement de normes nationales d’attente pour une AGH. Tout cela s’est déroulé dans un contexte très émotionnel durant lequel les gouvernements provinciaux se voient de plus en plus pressés de contrôler les coûts des soins de santé, tandis que divers groupes de pression favorisent ou rejettent une augmentation des dépenses du secteur privé dans les soins de santé, et qu’une poursuite alléguant une violation des droits de la personne en raison d’une attente prolongée pour une arthroplastie de la hanche a été intentée devant la Cour suprême du Canada. C’est dans ce contexte que des décisions sont prises sur la meilleure façon de créer des principes pour la normalisation de périodes d’attente uniformes pour l’AGH, de surveiller les listes d’attente et de prioriser les patients sur ces listes en fonction de leur degré d’invalidité. Malheureusement, il y a une lacune dans cette discussion : d’où viendront les ressources qui permettront de modifier la prestation de ces types spécifiques d’intervention chirurgicale orthopédique? Ces ressources viendront-elles de la communauté orthopédique? Croit-on que nous discriminerons envers les patients qui ont une maladie rachidienne, une instabilité de l’épaule ou une malformation du pied ou de la cheville en prolongeant leur attente de traitement afin que les patients nécessitant une arthroplastie du genou ou de la hanche reçoivent une intervention plus rapide? Cela n’est pas une option, car les temps d’attente de traitement d’une maladie musculosquelettique sont en général excessivement longs dans tous les secteurs de la chirurgie orthopédique. Les ressources viendront-elles d’autres spécialités chirurgicales? Par exemple, devrait-on retarder les biopsies du sein chez les patientes atteintes du cancer pour s’occuper davantage des patients atteints d’arthrite du genou ou de la hanche? Devrait-on demander à des patients souffrant de maladie cardiaque, habituellement traités avec rapidité, d’attendre «un peu plus longtemps» afin qu’on puisse fournir plus de ressources à des patients en orthopédie? Aucune de ces options ne serait acceptable pour les patients, leurs fournisseurs de soins ou les planificateurs de soins de santé. J’ai pris l’exemple de l’AGH parce que c’est le domaine avec lequel je suis le plus familier, mais je pourrais avancer le même argument pour des secteurs comme la chirurgie de la cataracte, la santé mentale, l’imagerie par résonance magnétique avec examen tomographique correspondant et une myriade d’autres services de diagnostic ou de traitement. Il faut dire avec le plus de vigueur possible aux planificateurs de soins de santé et aux administrateurs d’hôpitaux que le raccourcissement des temps d’attente et l’accessibilité accrue à des services pour quelques patients ne doivent pas se faire au détriment d’autres patients qui méritent tout autant qu’on s’occupe d’eux. Dans une certaine mesure, le débat au sujet des périodes d’attente et des propositions pour les diminuer dans certains secteurs a été malheureusement limité par des groupes de patients habiles à défendre leurs droits. Tout programme visant à réduire les temps d’attente et à augmenter l’accessibilité des soins médicaux ne devrait pas viser certains groupes de patients mais plutôt l’ensemble des patients. Les mécanismes pour diminuer les temps d’attente et augmenter l’accessibilité sont multifactoriels. Les planificateurs de soins de santé et les ministres provinciaux de la Santé doivent admettre la nécessité d’un investissement pour accroître les ressources en personnel et matériel afin d’amener le changement souhaité dans la prestation des soins de santé. L’attribution de maigres ressources à un type de patients au détriment d’un autre devrait être inacceptable aux yeux des médecins et des chirurgiens dans ce pays.