Réussir à voir le chirurgien ============================== * Garth L. Warnock Dans le numéro de février du *Journal canadien de chirurgie* (*JCS*), le Dr Waddell a mis les lecteurs du *JCS* au défi de réfléchir à l’asymétrie entre les effectifs médicaux et la demande des patients, ainsi qu’à des moyens de rendre l’accès à la chirurgie viable.1 Une façon utile d’aborder le problème consiste à analyser le lien entre le besoin de soins de santé et l’utilisation des services des médecins. Nabalamba et Millar2 ont étudié récemment l’accès public aux médecins au Canada, tel que déterminé par l’édition 2005 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.3 Dans cette enquête, les auteurs ont évalué l’accès pour la population canadienne aux médecins généralistes et spécialistes à partir des trois dimensions suivantes du besoin: état de santé et gravité de la maladie, prédisposition à l’utilisation des services (p. ex., âge, sexe, origine ethnique) et facteurs habilitants (p. ex., éducation, revenu et accès aux prestateurs de soins et aux établissements de santé).4 Il faut se pencher sur les données relatives à l’accès aux spécialistes puisqu’elles projettent la demande des services de nos collègues chirurgiens. Les données ont révélé que 77 % des Canadiens âgés de 18 à 64 ans et 88 % des personnes âgées ont déclaré avoir consulté un omnipraticien (OP) au cours de l’année précédente. Les chiffres correspondants dans le cas des spécialistes s’établissaient à 27 % et 34 %. Il est rassurant de voir que le besoin individuel de soins de santé a constitué un solide déterminant de l’utilisation des services des médecins. Lorsqu’on a tenu compte du besoin, on a établi un lien indépendant entre les consultations de médecins et l’âge, le sexe, le revenu du ménage, l’origine ethnique, la langue, le lieu de résidence (milieu rural ou urbain) et le fait d’avoir un OP régulier. Les personnes de plus de 75 ans, les habitants des régions rurales, les membres des minorités visibles et les Autochtones avaient de faibles chances de consulter un spécialiste. Qu’est-ce que ces chiffres augurent pour les spécialistes de la chirurgie? Conformément au besoin de soins de santé comme solide déterminant de l’accès aux chirurgiens, l’article de Gaudet et ses collaborateurs5 publié dans ce numéro du *JCS* montre que les patients traités plus tôt pour une arthroplastie totale de la hanche présentaient des indices de symptômes plus élevés.5 Cela démontre que l’attribution d’une priorité aux services au moyen d’outils d’évaluation des priorités et les cibles relatives aux temps d’attente joueront à l’avenir un rôle dans l’affectation des ressources aux soins chirurgicaux. Les chirurgiens doivent se familiariser avec ces outils afin d’appuyer la qualité et l’accès en temps opportun. Gaudet et ses collaborateurs5 n’ont découvert aucun lien entre l’âge, le sexe et la profession, d’une part, et les temps d’attente pour l’arthroplastie, de l’autre, ce qui est intéressant. Le rapport de Nabalamba et de Millar2 présente des données différentes. On y démontre que les personnes âgées ont accès aux médecins de famille, mais que leur accès aux spécialistes est faible, toutes proportions gardées. Il y a peu de chances que la population vieillissante de la génération du *baby boom* tolère cette tendance. Les spécialistes peuvent s’attendre à ce que cette population ait des demandes élevées dans le cas de problèmes comme les fractures de fragilité et l’arthrose. On s’est attaqué récemment à ces questions par le biais du financement destiné aux listes d’attente afin d’augmenter les services de chirurgie, mais les interventions ciblées ont des répercussions sur d’autres services de chirurgie qui ne bénéficient pas d’une augmentation du financement. Il en découle que des chirurgiens opèrent à de multiples endroits (y compris dans des établissements de soins privés) au lieu des centres hospitaliers traditionnels. Il faut réagir à ces changements de la pratique par le travail d’équipe en chirurgie et les transferts prudents du soin des patients. Dans les centres universitaires, il faut compenser l’impact sur les chirurgiens en formation par des méthodes pédagogiques innovatrices comme la simulation. Le facteur habilitant de premier plan qui facilite l’accès aux spécialistes, c’est l’accès facile à un OP régulier. On estime toutefois que 3,5 millions de Canadiens n’ont pas d’OP régulier. On s’est attaqué au problème en augmentant l’inscription en formation médicale prédoctorale ou postdoctorale et en créant de nouveaux modèles de formation en médecine tels que les programmes de formation distribuée offerts à la Faculté de médecine du Nord de l’Ontario et à l’Université de la Colombie-Britannique. Visant stratégiquement à améliorer l’accès aux médecins de famille dans les communautés éloignées, les programmes de formation médicale distribuée exerceront de nouvelles pressions sur les spécialistes de la chirurgie. La mise sur pied de programmes de formation peut entrer en conflit avec le besoin de volumes élevés de services, à moins que l’on fournisse aussi le financement nécessaire à une formation de qualité des nouveaux stagiaires et que l’on donne aux chirurgiens le temps de former leurs stagiaires en salle d’opération. Les chirurgiens peuvent faire preuve d’altruisme lorsqu’ils offrent d’enseigner, mais les pressions qui s’exercent sur eux pour qu’ils fournissent des services alourdissent leurs responsabilités. Des prestateurs substituts comme les infirmières praticiennes, les physiothérapeutes en soins avancés et les adjoints au médecin peuvent-ils aider à optimiser la navigation dans le système? Ces programmes de formation ont aussi des défis à relever pour répondre à la demande. Ils exigeront une communication professionnelle sophistiquée avec les chirurgiens et il faut s’attaquer aux problèmes de responsabilité civile. Le dialogue se poursuivra afin de garantir que la *Loi canadienne sur la santé* maintiendra l’accès aux soins de santé médicalement nécessaires et financés par le secteur public sans obstacle financier ou autre. Les chirurgiens doivent s’adapter à de nouveaux modes de prestation de leurs services fondés sur une hausse des besoins, ainsi que sur les facteurs prédisposants et habilitants qui déterminent le désir de la population canadienne de bénéficier de soins de santé optimaux. Nous espérons que ce sera possible sans «épuisement»! ## Footnotes * **Intérêts concurrents:** aucuns déclarés. ## Références 1. Waddell JP. Editor’s view. Can J Surg 2007;50:4–6. 2. Nabalamba A, Millar WJ. Going to the doctor. Health Rep 2007;18:23–33. [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=17441441&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F50%2F2%2F88.atom) 3. Statistics Canada. Canadian Community Health Survey. Cycle 3.1. Ottawa: Statistics Canada; 2005. 4. Andersen RM. Revisiting the behavioral and model and access to medical care: does it matter? J Health Soc Behav 1995;36:1–10. [CrossRef](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=10.2307/2137284&link_type=DOI) [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=7738325&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F50%2F2%2F88.atom) [Web of Science](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=A1995QY22900001&link_type=ISI) 5. Gaudet MC, Ehrmann Feldman D, Rossignol M, et al. The wait for total hip replacement in patients with osteoarthritis. Can J Surg 2007;50:101–9.