D’une façon typiquement canadienne, nous (scientifiques et médecins du Canada) effectuons dans l’ombre des recherches en chirurgie avec efficacité et sans attirer beaucoup d’attention. Le Journal canadien de chirurgie offre continuellement une vitrine sur cette recherche qui est souvent difficile à faire accepter ailleurs. Dans ce numéro, nous publions des points de vue uniques au Canada sur l’arthroplastie et les résultats de la transplantation après la mort cardiaque. Même s’ils présentent des recherches de qualité, ces manuscrits sont parfois refusés ailleurs parce qu’il y est question de médecine socialisée, de bases de données régionales ou de pratiques non acceptées ailleurs. Il est toutefois devenu évident que d’une certaine façon, nous pouvons effectuer de meilleurs essais cliniques que des centres chez nos voisins du Sud. Notre système médical accepte davantage les essais randomisés et les chirurgiens semblent plus prêts à faire des compromis pour essayer d’autres modes de traitement. Les projets comportant un volet non opératoire coûtent certainement moins cher qu’aux centres américains.
Des chercheurs américains ont remarqué notre succès, ce qui a produit plusieurs réactions. Dans les milieux orthopédiques, des groupes canadiens se sont mérité un nombre disproportionné de prix de recherche internationaux. Des groupes canadiens ont obtenu avec une régularité étonnante au cours de la dernière décennie des prix de recherche de l’Orthopaedic Research Society, de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons, de la Hip Society et de l’Orthopaedic Trauma Association, notamment. On a créé aux États-Unis des groupes de recherche pour imiter nos efforts locaux. Ces groupes ont communiqué avec des chercheurs canadiens établis pour leur demander de participer à leurs activités afin de profiter de leur savoir-faire et de recruter des chercheurs. Les rédacteurs d’Injury ont demandé à Ross Leighton, président de la Société canadienne de traumatologie orthopédique, de rédiger un guide sur la recherche collective1. Je connais des chercheurs américains qui ont essayé de conjuguer leurs efforts à ceux de groupes canadiens de préférence parce qu’ils aiment notre façon d’effectuer de la recherche. Il s’agit là de témoignages retentissants de réussite pour les groupes canadiens et ces succès ont préparé le terrain pour des essais multicentriques de plus grande envergure avec des collaborateurs de l’étranger à mesure que d’autres pays voient le succès que connaissent des projets dirigés par des Canadiens. Ces projets peuvent être financés par de multiples organismes fédéraux du monde, ce qui permet de répondre réellement à certaines des questions fondamentales en recherche clinique.
Toutes ces réussites ont toutefois suscité au début une certaine envie. La plupart des chercheurs ont simplement continué à bien faire ce qu’ils faisaient sans se préoccuper du mécontentement. Dans ma spécialité, le mécontentement s’est récemment accentué. Les préjugés émanant d’autres centres ont été amplifiés, certainement à cause de la diminution générale des possibilités de financement à l’échelle mondiale. J’ai personnellement vécu certains préjugés à l’égard de projets de recherche canadiens sur la scène internationale. Ce fut une expérience très frustrante et je recommande aux autres spécialistes de faire preuve de vigilance pour l’éviter. Nous devons continuer à effectuer nos recherches à la façon canadienne et à utiliser notre science de réputation mondiale pour répondre à des questions importantes. Le JCC continuera d’appuyer ces activités. Je pense toutefois aussi que nous devons agir en non-Canadiens pour défendre notre droit d’effectuer de la recherche, de la faire accepter dans le cadre de demandes de financement et de présenter des résultats sur des tribunes qui ont du poids. Même si nous sommes Canadiens, si nous sommes les meilleurs, nous devons diriger et non suivre !
Footnotes
Intérêts concurrents : aucuns déclarés.