Grossesse et formation postdoctorale en chirurgie ================================================= * Garth L. Warnock Au fil des ans, de nombreuses études ont porté sur la grossesse en contexte de formation médicale post-doctorale, comme le révèle une simple recherche sur PubMed, qui donne des centaines de résultats. Pourtant, nous n’avons pas fini d’explorer cette question des plus importantes. Dans ce numéro du *Journal canadien de chirurgie*, Merchant et ses collaborateurs1 abordent ce sujet. Ils invo-quent la grossesse comme cause possible du manque d’intérêt pour la chirurgie générale parmi les étudiantes en médecine. Les résultats de la recherche menée par les auteurs auprès de participants d’un seul programme de résidence en chirurgie générale au cours d’une période de 12 ans viennent appuyer leur hypothèse selon laquelle les résidents en chirurgie générale étaient insatisfaits de l’absence de politiques en matière de congé maternel ou parental s’appliquant expressément au programme de résidence. En fait, les données recueillies par les chercheurs suggèrent aussi que les résidentes enceintes ont connu un nombre important d’événements indésirables, dont l’hypertension (17 %), la prééclampsie (17 %) et les fausses couches (11 %). Par ailleurs, d’autres résidents ont indiqué que leur propre charge de travail avait augmenté à cause de la grossesse d’une collègue. On commence à remarquer qu’une tendance à la hausse se dégage, à savoir que l’on compte plus de femmes que d’hommes au nombre des diplômés en médecine. Selon des statistiques canadiennes relatives à l’enseignement médical réunies par l’Association des facultés de médecine du Canada, les femmes comptaient pour 57,1 % des diplômés en médecine de l’année universitaire 2010–2011. L’importance de cette statistique réside dans le fait que l’âge moyen d’un étudiant en médecine diplômé souhaitant entrer dans un programme de résidence est de 28 ans, âge qui non seulement se trouve dans les principales années productives des femmes, mais correspond aussi à un âge où elles sont nombreuses à fonder une famille. C’est pourquoi les directeurs de programmes doivent commencer à accorder davantage d’attention à la grossesse et à la période postnatale s’ils veulent bâtir dans leurs programmes une participation équilibrée des 2 sexes. Une grossesse pendant la résidence en chirurgie peut présenter de nombreux défis tant pour la stagiaire concernée que pour ses pairs du même programme. Le programme de chirurgie générale peut être plus exigeant physiquement, requérir de plus longues heures et ne pas être aussi flexible que les programmes de résidence d’autres spécialités. Ces défis, conjugués à des politiques inadéquates, pourraient expliquer le désintérêt pour la chirurgie générale. L’étude de Merchant et ses collaborateurs montre aussi qu’après la naissance de l’enfant, des pratiques comme l’allaitement ont été interrompues et que, de l’avis des répondantes, leur expérience aurait certainement été meilleure si leur congé de maternité avait été un peu plus long. Il n’est donc pas étonnant que des difficultés de ce genre puissent dissuader les femmes de choisir une carrière en chirurgie générale. Dans son article sur le programme de résidence et la grossesse2, Jane van Dis mentionne que la grossesse pendant le programme de résidence peut aussi avoir des effets psychosociaux négatifs sur la qualité de vie des résidents. Elle cite une étude où 2 fois plus de résidentes ont jugé leur grossesse très ou extrêmement stressante, par rapport aux conjointes de résidents de sexe masculin3. On recommande de mettre en application une politique clairement définie sur le congé de maternité et le début de la parentalité et de désigner des endroits dans les locaux des hôpitaux où les résidentes qui allaitent pourront exprimer leur lait. Par ailleurs, les programmes pourraient faire preuve d’une plus grande sensibilité dans l’organisation des périodes de garde afin d’équilibrer la charge de travail parmi les résidentes enceintes et leurs collègues. En même temps, un telle politique devrait être élaborée avec prudence pour éviter les conflits que pourraient engendrer les pressions croissantes relatives aux restrictions du nombre d’heures de travail, si l’on veut que les stagiaires postdoctoraux en chirurgie puissent acquérir toutes les compétences et habiletés nécessaires. Comme solution, on pourrait envisager une formation en chirurgie fondée sur les compétences plutôt que sur la durée de la formation. L’adoption de nouvelles méthodes, telles qu’une plus grande souplesse dans les rotations et la formation par simulation, pourrait aussi permettre une formation complète. Ces mesures n’ont par ailleurs pas encore fait leurs preuves. En résumé, cette étude importante réalisée par Merchant et ses collaborateurs1 permet de mieux comprendre les défis auxquels font face les femmes qui aspirent à une carrière en chirurgie générale, mais qui veulent aussi fonder une famille. Comme l’ont indiqué les auteurs, un sondage pancanadien de tous les programmes de chirurgie générale est en cours et les résultats sont très attendus. Entre-temps, les programmes de résidence doivent élaborer avec soin des politiques pour répondre aux besoins de leurs résidents et réduire le stress pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale. Il s’agit d’une mesure essentielle pour attirer des hommes et des femmes de talent vers la chirurgie générale. ## Footnotes * **Intérêts concurrents:** Aucuns déclarés. ## Références 1. Merchant S, Hameed M, Melck A.Pregnancy among residents enrolled in general surgery (PREGS): a survey of residents in a single Canadian training program.Can J Surg 2011;54:375–80. 2. van Dis J.Residency training and pregnancy.JAMA 2004;291:636Available: [http://jama.ama-assn.org/content/291/5/636.full.pdf+html](http://jama.ama-assn.org/content/291/5/636.full.pdf+html) (consulté le 28 octobre 2011) [CrossRef](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1001/jama.291.5.636&link_type=DOI) [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=14762048&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F54%2F6%2F366.atom) 3. Harris DL, Osborn LM, Schuman KL, et al.Implications of pregnancy for residents and their training programs.J Am Med Womens Assoc 1990;45:127–8. [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=2398223&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F54%2F6%2F366.atom)