Pourquoi l’Ontario devient-elle une province déficiente sur le plan médical? ================================================================================ * Edward J. Harvey Encore une fois, le gouvernement de l’Ontario prend des décisions unilatérales touchant les médecins. De toute évidence, on ne peut parler vraiment de partenariat si un côté prend toutes les décisions. Par le passé, les décisions du gouvernement ont eu une incidence directe sur les chirurgiens quand les paramètres de facturation et les modalités de garde ont été modifiés. L’Ontario a adopté une approche musclée et, historiquement, pour la plupart des orientations médicales dans ce pays, le Canada suit les traces de l’Ontario. D’autres provinces ont adopté l’approche unilatérale de l’Ontario et l’on observera peut-être bientôt cette tendance dans tout le pays. L’an dernier, le gouvernement du Québec a adopté une loi qui donne un pouvoir sans précédent au ministre de la Santé pour négocier avec les médecins de la province. De prime abord, les récentes décisions en Ontario peuvent sembler avoir une incidence moindre sur les chirurgiens, mais elles auront néanmoins une incidence sur nous tous. Actuellement, plus de 800 000 citoyens de l’Ontario n’ont pas de médecin de famille. La population de l’Ontario augmente d’environ 140 000 personnes par année. Devant cette situation, le gouvernement de la province a décidé de couper 50 postes de résidence en médecine familiale. On estime que l’expansion du programme au cours des 10 dernières années a permis de fournir des soins à 2,1 millions d’Ontariens qui ont maintenant accès à des services de santé primaires et ne sont donc plus des patients sans médecin attitré1. Or, le gouvernement cherche maintenant à réduire ce programme. Cette décision n’est pas dans le meilleur intérêt des patients ou des médecins. Je ne connais pas les raisons budgétaires qui sont à l’origine de la fermeture de postes de résidence en médecine familiale sans réduction correspondante du nombre de places dans les facultés de médecine. Si le gouvernement faisait preuve de logique, ces 2 mesures auraient probablement été prises en même temps. Comme la formation postdoctorale est obligatoire, la fermeture de postes en médecine familiale forcera les candidats à choisir une formation spécialisée, de sorte que les services de spécialistes prendront de l’expansion au détriment des programmes de médecine familiale. Or, les soins spécialisés — tant au niveau de la formation que de la pratique —coûtent plus cher au gouvernement. Au Québec, l’accès aux soins primaires est si limité que les patients se rendent dans des cliniques chirurgicales pour obtenir une référence pour des services non chirurgicaux ou des ordonnances de médicaments, car il est plus facile de consulter un spécialiste que de trouver un médecin de famille. Les patients n’ayant aucun autre accès aux soins de santé qui continuent d’aller dans des cliniques chirurgicales compteront dans l’application des limites imposées au nombre de consultations effectuées par les chirurgiens. Cet équilibre délicat entre les soins des médecins de famille et les soins des spécialistes est près du point de bascule dans de nombreuses régions du pays. La gestion unilatérale des soins de santé par le gouvernement n’est souhaitable ni pour les médecins ni pour les patients, qui comptent sur nous pour être traités rapidement et efficacement. L’Ontario (et plus tard l’Alberta) a déjà été perçu comme modèle de leadership médical solide qui protégeait les intérêts des médecins et des patients. Certes, l’Association médicale de l’Ontario (AMO) est en état de siège. Elle, qui a déjà été si puissante qu’elle pouvait tenir la province en otage en lançant un appel à la grève générale, a perdu du terrain. L’AMO a semblé renoncer à protéger les honoraires des médecins même pour des services de base. Qui aurait cru que les honoraires pour une coloscopie au Québec seraient un jour plus élevés qu’en Ontario? Eh bien, cette ligne magique a été franchie et même éclipsée dans toutes les autres provinces. Le temps où nous pouvions nous attendre à du leadership de la part de l’Ontario pourrait bien être révolu, mais si nous ne sommes pas solidaires des médecins de l’Ontario, si nous ne veillons pas à ce que les opinions des médecins soient prises en compte, nos profils de pratique vont changer radicalement — et non pour le mieux. ## Footnotes * **Intérêts concurrents :** E.J. Harvey est médecin hygiéniste en chef de Greybox Healthcare (Montréal) et président du Conseil d’administration de NXTSens Inc. (Montréal). ## Référence 1. Council of Ontario Universities Family Medicine Expansion Report 2013, Disponible: [http://cou.on.ca/reports/family-medicine-expansion/](http://cou.on.ca/reports/family-medicine-expansion/). consulté 2015 sept. 3.