Les avantages et les risques d’exiger que les chercheurs partagent leurs données =================================================================================== * Vivian C. McAlister * Edward J. Harvey ## Résumé Le Comité international des rédacteurs de revues médicales a rendu possibles de nombreuses avancées dans la communication des résultats de recherche médicale qui ont amélioré la qualité de la recherche. Sa proposition de demander aux chercheurs une déclaration sur l’accessibilité de données sousjacentes à partager pourrait faire grandement progresser les connaissances médicales. Le *Journal canadien de chirurgie* appuie l’initiative et élaborera des mécanismes visant à aider les auteurs à respecter cette nouvelle exigence. Pour beaucoup de jeunes auteurs, le processus de publication est frustrant et irritant. Leurs pairs plus âgés leur diront volontiers que les choses étaient bien pires autrefois. Il n’y a pas si longtemps, les manuscrits étaient préparés à la machine à écrire. Si un examinateur demandait des changements, il fallait faire preuve d’une grande ingéniosité pour éviter de trop perturber la séquence des citations du texte. Si un article était refusé, il fallait généralement pour le soumettre à une autre revue le retaper en entier pour respecter les différentes exigences. En 1978, des rédacteurs en chef se sont réunis à Vancouver (C-B) pour régler ce dernier problème: ils ont mis en place des exigences uniformes pour les manuscrits soumis à des revues biomédicales. Ils nous ont non seulement donné le style de citation Vancouver, mais ils ont aussi formé le Comité international des rédacteurs de revues médicales (CIRRM), qui continuerait à promouvoir la qualité des rapports de recherche médicale. Le *Journal canadien de chirurgie (JCC)* a alors choisi de suivre les recommandations du CIRRM — il le fait d’ailleurs toujours aujourd’hui. La portée des activités du CIRRM s’est élargie pour inclure en plus des exigences de préparation des manuscrits la conduite, les rapports, l’édition et la publication des travaux universitaires dans les revues médicales1. Alors que le *JCC* mettait en évidence des problèmes, comme la contribution minimale pour l’attribution de la paternité d’une oeuvre et les rapports frauduleux, le CIRRM tentait d’améliorer la définition des rôles et responsabilités des examinateurs, des rédacteurs en chef, des éditeurs et des propriétaires en ce qui concerne la partialité, les conflits d’intérêts et la liberté éditoriale2,3. En 1997, un registre des essais cliniques, appelé aujourd’hui ClinicalTrials.gov, a été établi aux États-Unis pour donner au public accès aux données de recherche, plus particulièrement au sujet des traitements pharmaceutiques. Le CIRRM a tiré parti de l’existence de ce registre et demandé la préinscription des essais cliniques soumis pour publication aux revues qui l’appuient afin d’éviter la suppression des essais aux résultats négatifs, exigence que le *JCC* a adoptée. Les rapports scientifiques présentent habituellement des données agrégées, ce qui peut nécessiter d’intenses manipulations statistiques, par exemple, dans certains types de courbes de survie, des comparaisons utilisant un code informatique complexe. En janvier dernier, le CIRRM a publié une politique provisoire demandant que les rapports contiennent une déclaration sur l’accessibilité de données d’appui à partager4. Cette déclaration devrait comprendre des renseignements sur le protocole d’essai (qui pourrait être accessible sur ClinicalTrials.gov), le code statistique utilisé et l’ensemble de données. Bien que le but principal soit de permettre la confirmation de la propriété des recherches, cette exigence entraînera d’autres avantages, comme l’amélioration de l’archivage des données et des méta-analyses, et la possibilité d’effectuer une analyse secondaire. Les principales objections à la proposition viennent de membres de la communauté des essais cliniques cardiovasculaires, qui craignent que les auteurs s’y conformant soient désavantagés de devoir partager leurs données avec des personnes qui n’ont rien payé et n’ont pas travaillé pour obtenir les résultats. Ils expriment probablement en termes polis ce que les commanditaires commerciaux ressentent beaucoup plus intensément. Ces opposants proposent plutôt un moratoire de 24 mois sur le partage des données, qui donnerait aux auteurs l’occasion d’effectuer une analyse secondaire5. Le partage des données comporte cependant d’autres risques. L’identification des patients, hypothétiques ou réels, pourrait être possible à l’aide d’identifiants résiduels, malgré les techniques d’anonymisation employées. En outre, des examinateurs hostiles pourraient utiliser les données pour discréditer les chercheurs dans un forum où la réfutation est difficile ou impossible. L’archivage des données et la réponse aux questions ont des coûts qui pourraient dépasser le budget et la période de la recherche. La coopération des patients et des conseils d’éthique de la recherche n’a pas été établie. Enfin, aucune méthode visant à protéger les chercheurs des demandes futiles n’a été envisagée. La proposition actuelle ne s’applique qu’aux données présentées sous forme agrégée dans les rapports d’études prospectives portant sur une intervention chez l’humain, et il est permis de déclarer que les données ne sont pas accessibles. L’élargissement de la politique est inévitable. La logique derrière le partage des données s’applique à toute la recherche biomédicale. Les organismes de financement n’exigent actuellement pas le partage des données, mais ils le feront probablement à l’avenir. D’ailleurs, l’inscription d’un essai sur ClinicalTrials.gov nécessite maintenant la divulgation des ententes de partage des données. Le *JCC* appuie les objectifs de la proposition sur le partage des données. Nous mettrons à la disposition des auteurs un consensus sur l’anonymisation adéquate des participants et le stockage sécuritaire des données expérimentales. Nous créerons également un modèle d’entente de confidentialité qui permettra aux chercheurs sérieux d’accéder aux données dans le but d’analyser les résultats publiés, à la condition qu’ils présentent leurs rapports à la revue pour publication afin que l’auteur original ait l’occasion de répondre. Toutes les autres ententes de partage des données seront conclues entre le chercheur et le demandeur selon la pratique actuelle. Le partage des données, bien administré, représente une avancée générationnelle dans l’avancement des connaissances médicales. ## Footnotes * Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’éditeur. * **Intérêts concurrents:** E.J. Harvey est médecin hygiéniste en chef de Greybox Healthcare (Montréal) et président du Conseil d’administration de NXTSens inc. (Montréal). Aucun déclaré pour V.C. McAlister. ## Références 1. International Committee of Medical Journal Editors Recommendations for the conduct, reporting, editing, and publication of scholarly work in medical journals, Available: [www.icmje.org/recommendations](http://www.icmje.org/recommendations). accessed 2016 Nov. 2. 2. Meakins JL, Waddell JP.Authorship.Can J Surg 2002;45:84–7. 3. Meakins JL.Authorship.Can J Surg 2001;44:405–6. 4. Taichman DB, Backus J, Baethge C, et al.Sharing clinical trial data: a proposal from the International Committee of Medical Journal Editors.CMAJ 2016;188:91–2. [FREE Full Text](http://canjsurg.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6NDoiRlVMTCI7czoxMToiam91cm5hbENvZGUiO3M6NDoiY21haiI7czo1OiJyZXNpZCI7czo4OiIxODgvMi85MSI7czo0OiJhdG9tIjtzOjE4OiIvY2pzLzU5LzYvMzY1LmF0b20iO31zOjg6ImZyYWdtZW50IjtzOjA6IiI7fQ==) 5. Patel MR, Armstrong PW, Bhatt DL, et al.Sharing data from cardiovascular clinical trials — a proposal.N Engl J Med 2016;375:407–9. [CrossRef](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=10.1056/NEJMp1605260&link_type=DOI) [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=27518659&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F59%2F6%2F365.atom)