L’accès à la chirurgie ne s’améliore pas. Quand les gouvernements parlent des listes d’attente, ils sousentendent que les médecins en sont responsables. Gouvernements comme administrations hospitalières pointent les chirurgiens du doigt. Il m’est arrivé que des patients se fâchent contre moi parce qu’ils avaient dû attendre longtemps avant d’avoir une consultation; et pourtant, je n’ai pas mon mot à dire sur les listes d’attente. Même s’il peut être difficile d’appliquer une initiative nationale en contexte provincial, j’ai l’impression que la situation ne s’est pas améliorée à l’échelle locale.
Cette année aura vu deux élections dans des provinces très peuplées du Canada. Pourtant, ni le Québec ni l’Ontario n’ont prévu investir pour améliorer l’accès à la chirurgie. Les plateformes des partis n’abordent même pas le sujet, ignorant les préoccupations des patients et des chirurgiens.
Au Québec, la promesse d’améliorer l’accès aux médecins de famille est au centre des élections; c’est un bon objectif, mais qui ne réduira pas le temps d’attente en chirurgie. Le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, s’est engagé à augmenter le taux de Québécois ayant accès à un médecin de famille — non pas en améliorant la gestion du système, mais bien en imposant des sanctions financières aux médecins n’ayant pas répondu aux attentes si ce taux n’atteint pas 85 % d’ici la fin de l’année. Le parti ne précise toutefois pas comment il entend y parvenir. Pire encore, la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui est en tête des intentions de vote pour les élections d’octobre, souhaite réduire de 2 milliards de dollars le financement accordé aux spécialistes. Une mesure du genre a déjà été mise en place par le passé. Résultat: les listes d’attente s’étaient allongées, provoquant l’insatisfaction générale chez les patients comme chez les médecins.
En Ontario, le nouveau parti au pouvoir ne prévoit pas non plus améliorer l’accès à la chirurgie. Le premier ministre, Doug Ford, s’est engagé à « améliorer le système » tout en réduisant de 4 % le financement accordé à tous les ministères. En santé, cela représente 2,4 milliards de dollars par année, une compression considérable qui aura des répercussions directes sur les soins aux patients. Le gouvernement souhaite également inciter plus de médecins à exercer dans le Nord de l’Ontario en réduisant leur taux d’imposition, peut-être à 0 %. La mesure pourrait porter fruit: les incitatifs financiers sont parfois efficaces, et le Nord dispose maintenant d’infrastructures beaucoup plus viables qu’avant. Cependant, personne ne parle de fournir des ressources supplémentaires aux centres.
J’ai donc peu d’espoir pour les patients de chirurgie dans ces provinces, qui doivent attendre des années avant de pouvoir consulter un médecin, puis des mois avant de se faire opérer. Le problème ne vient pas des médecins, mais du système, et les gouvernements provinciaux n’offrent malheureusement aucune solution à cette échelle. Si on se fie aux intentions explicites et implicites touchant le milieu de la santé, les provinces souffriront d’un manque de ressources chirurgicales pendant encore au moins cinq ans.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents: E.J. Harvey est médecin hygiéniste en chef de Greybox Healthcare (Montréal) et président du Conseil d’administration de NXT-Sens Inc. (Montréal).