Les revues de morbidité et mortalité sont-elles un art qui se perd? ===================================================================== * Chad G. Ball L’histoire des revues de morbidité et mortalité (RMM) en chirurgie est fort riche et elle est indissociable de plusieurs principes fondamentaux pour notre profession. Plus précisément, les RMM rigoureuses font appel à un processus d’examen par les pairs qui analyse à divers niveaux les issues défavorables chez les patients. Cet examen inclut une discussion sur la mécanique des complications elles-mêmes et des suggestions de modifications comportementales, analytiques, décisionnelles ou techniques devant aboutir à l’amélioration du système afin de prévenir d’autres erreurs similaires. Les RMM ont débuté de manière laborieuse en 1904 : Ernest Codman s’est fait connaître pour avoir suggéré de soumettre les chirurgiens à une évaluation de leurs compétences sous forme de rapports structurés périodiques1. Bien que motivé par un altruisme louable, Codman s’est fait mettre à la porte de l’Hôpital général du Massachusetts pour ses idées, qui n’en ont pas moins assez rapidement suscité l’adhésion de l’American College of Surgeons, soit dès 1916, pour la préparation des rapports de cas lors de complications chez les patients1. On pourrait dire que les idées du Dr Codman ont atteint leur apogée en 1983 lorsque l’Accreditation Council for Graduate Medical Education (l’équivalent américain de notre Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada) a exigé la tenue de RMM hebdomadaires pour l’obtention et le maintien de l’agrément de tous les programmes de résidence en chirurgie1. Nous sommes nombreux à voyager un peu partout sur la planète pour diverses raisons : stages de spécialisation postrésidence, visites des établissements de collègues, sabbatiques académiques en milieu de carrière ou postes de professeur invité, et il devient vite apparent que les RMM suggérées par Codman varient grandement d’un endroit à l’autre2. Pour certains établissements, les RMM sont des événements à dimension urbaine, qui regroupent plusieurs hôpitaux pour des discussions sur les complications rencontrées, tandis qu’ailleurs, elles restent limitées à l’équipe de chirurgie qui discute des cas et des diagnostics spécifiques à un champ très restreint de la médecine. Dans quelques établissements, la discussion tourne autour des objectifs d’apprentissage CanMEDS, qui ont un lien indirect avec l’événement lui-même. Indépendamment du format, toutefois, il est essentiel de mettre l’accent sur un environnement non punitif pour le chirurgien en tant qu’individu, sans négliger l’amélioration de la qualité des soins (c.-à-d., la prévention d’erreurs similaires). Ces dernières années, on constate de plus en plus que le caractère fondamental des RMM hebdomadaires (et des occasions d’amélioration de la qualité qui en découlent) semble moins respecté et accepté des chirurgiens de la relève. Les postulats de cette observation sont fascinants, mais on retiendra désormais un thème récurrent, soit l’impact des occasions d’amélioration de la qualité qui reposent sur les « données massives » (big data), comme le programme national d’amélioration de la qualité des soins chirurgicaux (NSQIP). Plus spécifiquement, selon un scénario de plus en plus fréquent, le NSQIP et d’autres initiatives semblables remplacent désormais les RMM formelles en petits groupes. Même si ces plateformes volumineuses et efficaces pour l’amélioration de la qualité s’intègrent rapidement à notre pratique chirurgicale peu importe le contexte, de la traumatologue à la chirurgie générale d’urgence en passant par des interventions hautement spécialisées, les connaissances et expériences mises en commun durant les RMM typiques restent cruciales pour l’amélioration des chirurgiens et leur rendement optimal. Il semble donc que l’avenir de l’évaluation continue des compétences proposée par Codman passe obligatoirement par une comparaison du rendement des chirurgiens par rapport à de grands groupes de collègues, tant à l’échelle des individus que des programmes (par le biais des données massives) et par l’inclusion de l’expertise et de l’expérience à l’échelle locale sous forme de discussions collégiales en temps réel dans le cadre de RMM formelles3. En d’autres mots, le rôle des RMM n’a jamais été aussi indispensable à la mission de chacun de nos établissements et systèmes hospitaliers, qui est d’assurer l’amélioration continue de la qualité des soins. ## Footnotes * Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales. * **Intérêts concurrents :** Aucun déclaré. ## Références 1. Gregor A, Taylor D.Morbidity and mortality conference: its purpose reclaimed and grounded in theory.Teach Learn Med 2016;28:439–47. 2. Campbell W.Surgical morbidity and mortality meetings.Ann R Coll Surg Engl 1988;70:363–5. [PubMed](http://canjsurg.ca/lookup/external-ref?access_num=http://www.n&link_type=MED&atom=%2Fcjs%2F62%2F2%2F77.atom) 3. McNamara DA, Hall HM, Hardin EA.Rethinking the modern cardiology morbidity and mortality conference: harmonizing quality improvement and education.J Am Coll Cardiol 2019;73:868–72. [FREE Full Text](http://canjsurg.ca/lookup/ijlink/YTozOntzOjQ6InBhdGgiO3M6MTQ6Ii9sb29rdXAvaWpsaW5rIjtzOjU6InF1ZXJ5IjthOjQ6e3M6ODoibGlua1R5cGUiO3M6MzoiUERGIjtzOjExOiJqb3VybmFsQ29kZSI7czo0OiJhY2NqIjtzOjU6InJlc2lkIjtzOjg6IjczLzcvODY4IjtzOjQ6ImF0b20iO3M6MTc6Ii9janMvNjIvMi83Ny5hdG9tIjt9czo4OiJmcmFnbWVudCI7czowOiIiO30=)