Au 1er avril, plus de 850 000 cas de COVID-19 (maladie causée par le nouveau coronavirus de 2019) ont été signalés au cours de cette pandémie mondiale. Il est certain que ce nombre, de même que le nombre de décès, continuera à augmenter. Cette tragédie d’une ampleur sans précédent a donné lieu à du jamais vu dans notre travail. Mais avec tous ces problèmes viennent des occasions uniques. Pensons par exemple à nos collègues italiens épuisés (ainsi qu’à nos autres collègues), qui nous ont rappelé certaines des grandes qualités que peuvent posséder les chirurgiens : l’engagement, l’empathie, la motivation, l’esprit de corps, la compassion et la bienveillance. Ces qualités sont déjà trop rares dans la société; espérons que la pandémie nous aura donné le coup de pouce nécessaire pour que nous les intégrions davantage à notre travail quotidien et à notre vie personnelle une fois que toute cette histoire sera derrière nous.
Concrètement, bon nombre des choses que nous tenons pour acquises en tant que chirurgiens ont brusquement été reléguées aux oubliettes. Finis (ou presque) les horaires quotidiens prévisibles, les interactions en personne avec nos collègues, les discussions avec les patients dans une clinique externe et l’ambiance organisée d’un hôpital occupé. Le monde a radicalement changé dans les 3 dernières semaines, et bien que nous chérissions aujourd’hui ce que nous avons perdu, force est de constater que de nouvelles possibilités s’offrent à nous. La transition forcée vers les services de télésanté n’est rien de moins que remarquable. Quoique les plateformes optimales varient d’une région à l’autre et que leur sécurité, leur confidentialité et leur efficacité demeurent des enjeux importants à améliorer, il est clair que les patients, où qu’ils soient, rechercheront ce type d’interaction à l’avenir. En tant que chirurgiens, nous sommes bien placés pour donner l’exemple dans cette forme de soins axés sur le patient. Dans le même ordre d’idées, l’utilisation des plateformes vidéo pour accompagner nos collègues oeuvrant dans la communauté ou en région éloignée dans la réanimation traumatologique, l’intubation, les soins intensifs et l’établissement de diagnostics est maintenant une priorité. Mêmes des technologies comme la télé-échographie portative réalisée à distance par des non-experts pourraient offrir la capacité intéressante de diagnostiquer et de caractériser l’évolution précoce des changements pulmonaires associés à la COVID-191,2. Encore là, les chirurgiens ont pavé la voie en utilisant bon nombre de ces technologies dans ces contextes civils et militaires, et ils devraient continuer à innover ainsi qu’à étudier et à améliorer ces technologies avec rapidité. Nous avons l’occasion unique d’étendre la portée des systèmes chirurgicaux aux patients les plus vulnérables, et nous ne devons pas la laisser nous filer entre les doigts.
La recherche, en particulier, est un domaine où règne une dichotomie majeure en temps de stress et d’incertitude. La pandémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003 et celle actuelle de la COVID-19 ont beau avoir confirmé que les revues évaluées par les pairs et les moyens de communication électroniques pouvaient être utilisés pour transmettre des renseignements scientifiques pertinents et évoluant rapidement sur le diagnostic, le traitement et les résultats, elles ont aussi entraîné la mise en veilleuse de travaux dans d’autres domaines. Parmi ceux-ci, notons les travaux scientifiques fondamentaux menés dans de nombreux laboratoires, l’approbation d’études par des comités d’éthique de la recherche d’universités et de responsables de régions de soins, les activités du personnel soutenant la recherche — comme le recrutement de patients pour des essais cliniques — et même le traitement et l’évaluation par les pairs d’articles soumis à des revues scientifiques. Que l’on soit chercheur participant à une étude multicentrique ou coordonnateur local, il sera essentiel de faire preuve de patience envers nos collègues. Cela dit, un certain nombre de groupes de recherche au pays effectuent déjà un suivi prospectif des répercussions de la COVID-19 sur le nombre d’interventions urgentes (opératoires ou non) et non urgentes réalisées par des services de chirurgie, ainsi que sur les issues de ces interventions3.
Bon nombre de chirurgiens ont déjà travaillé dans des conditions sous-optimales et des situations difficiles. L’adaptabilité, la persévérance, l’optimisme et l’engagement sont des qualités qui décrivent toujours bien notre réaction en cette période sans précédent. Elles seront essentielles pour veiller à ce que les patients, les collègues et les familles s’en sortent le mieux possible. Nous espérons que le balado Cold Steel (disponible sur les sites canjsurg.ca/podcasts et https://soundcloud.com/cjs-podcast) sera source de soutien — ou du moins de distraction — pour vous, avec ses épisodes portant entre autres sur la COVID-19, le leadership, des initiatives artistiques et la formation chirurgicale.
Prenez soin de vous et continuez de vous soutenir les uns les autres à la maison, au travail et dans la communauté.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.