Le dernier appel de demandes de subvention des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) a été toute une douche froide: force est de constater que le milieu de la recherche canadien est en pleine réorientation. Alors que de nombreux chercheurs se tournent de plus en plus vers des sujets liés à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), plus de 3000 demandes auraient été créées dans RechercheNet. Au final, l’organisme a reçu quelque 1500 propositions. Logiquement, les laboratoires dont les projets de recherche antérieurs sont soudainement devenus moins attrayants s’intéressent maintenant davantage au virus. Nous vivons une véritable explosion de connaissances, comme en témoignent les 3315 articles en lien avec la COVID-19 indexés dans PubMed entre le 1er janvier 2020 et la première semaine de mai. L’appareil de recherche connaît un changement de vocation et une réorientation majeurs depuis que les IRSC, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le ministère de la Défense nationale et d’autres entités ont fait du virus leur priorité. Les chercheurs vont où il y a des fonds. En fait, nous assistons à une convergence des scientifiques, y compris des chercheurs chevronnés de différents domaines, vers les sujets en lien avec la COVID-19.
Il est pour le moment impossible de dire avec précision quels seront les effets à long terme sur le milieu de la recherche, au Canada et ailleurs. S’agit-il d’une légère déviation sur un itinéraire autrement prévisible, ou plutôt d’un recalcul total? Ceux et celles qui s’adaptent rapidement vont survivre, mais beaucoup délaisseront toute une gamme de sujets importants. Si la nouvelle ère persiste trop longtemps, l’homogénéisation des priorités de recherche et des objectifs de financement va certainement faire mal aux chercheurs canadiens et à l’innovation au sens large.
L’équipe du Journal canadien de chirurgie accepte cette nouvelle réalité et tentera d’aider à faire avancer les choses. Notre revue continuera à favoriser la voie rapide pour la publication d’information sur la COVID-19. En effet, nous constatons qu’il sera impossible de gagner la bataille sans données épidémiologique poussées, plus particulièrement, mais aussi sans découvertes fondamentales majeures. Nous avons essayé de simplifier notre processus de soumission en optant pour l’évaluation rapide et la publication hâtive. Nos 3 premiers articles sur la COVID-19 sont parus dans le numéro de mai–juin1–3, et un supplément sur la gestion en chirurgie oncologique durant la pandémie, dans le numéro de mars–avril4. Nous continuerons à traiter ces articles en accéléré tant que durera la crise et que notre attention restera centrée sur son issue. De toute évidence, cette période sans précédent transformera la société et notre façon de faire de la recherche.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents:E.J. Harvey est médecin chef chez Greybox Solutions; il est cofondateur et directeur de l’innovation médicale de NXTSens Inc, cofondateur et médecin chef de MY01 Inc. et cofondateur et directeur de Strathera Inc. Il bénéficie du soutien institutionnel de J & J, DePuy Synthes, Stryker et Zimmer, et il fait partie du conseil d’administration de l’Orthopedic Trauma Association et de l’Association canadienne d’orthopédie.