Excellence des soins infirmiers en temps de crise sanitaire =========================================================== * Chad G. Ball Le personnel infirmier est plus qu’essentiel pour nos systèmes de santé. Il en est le moteur, et son travail est au cœur de ce que nous accomplissons. C’est le personnel infirmier qui réconforte nos malades apeurés et déroutés, qui les soigne quand la maladie les rend vulnérables et qui est sans conteste l’élément le plus déterminant de leur expérience globale et de leur satisfaction à l’endroit des soins prodigués. Or, malgré cela, le personnel infirmier essuie un feu de critiques et lutte comme jamais, de mémoire récente. Les systèmes hospitaliers imposent des réductions substantielles de congés en raison de la pénurie d’effectifs. Cela inclut autant les journées de congé inscrites à l’horaire que les vacances planifiées. Les malades qui consultent, sont souvent à fleur de peau, ce qui se manifeste par de la colère, de l’impatience, ou de l’agressivité à l’endroit des équipes soignantes. En tant que médecins, nous-mêmes soumis à des pressions, nous exigeons toujours plus de nos collègues, infirmières et infirmiers, au quotidien et cela s’observe peut-être particulièrement au bloc opératoire au Canada. Le personnel infirmier des blocs opératoires doit non seulement détenir des aptitudes optimales pour la communication avec les malades (et les chirurgiennes et chirurgiens) en temps de grande vulnérabilité, mais aussi une expertise sans pareil dans une foule d’autres domaines des soins infirmiers. Aujourd’hui même, au bloc opératoire, je m’émerveillais du travail du personnel infirmier : 2 résections hépatiques et 2 cholécystectomies au Bloc 1; 2 résections de cancer rectal dans la salle d’opération à notre gauche; 1 hernie et 1 chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique dans celle de droite. Dans ces 3 salles, nous disposions en tout de 6 infirmières et infirmiers, qui se sont présentés tôt, ont abrégé (ou annulé) leurs pauses, se sont démenés toute la journée, et sont restés tard après la fin de leur quart de travail. Tout cela pour le bien des patients et le nôtre. La fierté qu’ils mettent en exécutant leurs tâches, leur enthousiasme, leur positivité et leur excellence sont aussi incroyables qu’uniques. Il est très inspirant de les côtoyer et de les voir se dépasser jour après jour, malgré les défis à court et à long terme qui taxent nos systèmes de santé. Les défis auxquels le personnel infirmier fait face témoignent de la situation de la médecine en général. Comme l’indiquait l’Association des infirmières et infirmiers du Canada dans une lettre ouverte adressée récemment aux premiers ministres provinciaux, « la viabilité de la profession infirmière ne saurait être assurée sans un investissement dans la main-d’œuvre en santé »1. Ses demandes directes incluaient des stratégies de rétention novatrices, une révision du fardeau de travail, une amélioration des conditions de travail, des approches en santé mentale pour le personnel infirmier, le financement accru des programmes de formation nouveaux et existants en soins infirmiers et l’accélération des processus d’émission des permis et des titres de compétence. Ces enjeux sont tous interreliés et pressants, mais c’est la grave pénurie d’effectifs qui en forme la base2,3. On a récemment observé une augmentation des demandes d’admission dans les écoles de soins infirmiers au Canada, or, les programmes demeurent contingentés dans plusieurs provinces. Et le déficit s’aggrave encore par l’abandon de la profession par un nombre croissant d’infirmières et d’infirmiers, après un épuisement professionnel lié à la COVID-19. Les cliniques de chirurgie privées dans certaines régions du pays, de même que l’adoption du statut (beaucoup mieux rémunéré) de travailleur autonome indépendant par les infirmières et infirmiers praticiens œuvrant en pratique privée viennent aussi drainer une part du bassin d’effectifs. En outre, la nature lucrative et l’environnement protégé des soins infirmiers dits « itinérants » partout en Amérique du Nord privent également les systèmes hospitaliers traditionnels d’une main-d’œuvre appréciable. On voit malheureusement de plus en plus souvent des infirmières et des infirmiers qui travaillent côte à côte, effectuent les mêmes tâches, avec la même énergie, tout en recevant une rémunération fort différente. Au bout du compte, malgré un système de santé canadien qui semble au bord de l’implosion, nous devons remercier notre personnel infirmier de sa compassion, de son éthique de travail, de sa constance et de son optimisme. Son travail est exigeant, souvent éprouvant; il passe souvent inaperçu et n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur. Or, les infirmières et les infirmiers continuent de se lever, de se présenter au travail, de revêtir leurs uniformes et de faire tout ça en gardant le sourire la plupart du temps. En tant que responsables et collègues des blocs opératoires, aidons le personnel infirmier le plus possible. Nous continuons d’être inspirés par l’engagement des infirmières et des infirmiers à l’endroit de leurs patients, de leurs hôpitaux et à notre endroit. Merci. ## Footnotes * Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales. * **Intérêts concurrents:** Aucun déclaré. This is an Open Access article distributed in accordance with the terms of the Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0) licence, which permits use, distribution and reproduction in any medium, provided that the original publication is properly cited, the use is noncommercial (i.e., research or educational use), and no modifications or adaptations are made. See: [https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/](https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/) ## Références 1. CNA urges Canada’s premiers to take immediate action and avoid the collapse of the health-care system [communiqué de presse]. Ottawa (ON): Canadian Nurses Association; 2022 Jul. 7. Accessible ici : [https://www.cna-aiic.ca/en/blogs/cn-content/2022/07/07/cna-urges-canadas-premiers-to-take-immediate-actio](https://www.cna-aiic.ca/en/blogs/cn-content/2022/07/07/cna-urges-canadas-premiers-to-take-immediate-actio) (consulté le 28 sept. 2022). 2. Canada is facing a nursing shortage. Here’s why it’s hard to fill the gap. CBC Radio 2021 Feb. 22. Accessible ici : [https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-feb-22-2021-1.5922712/canada-is-facing-a-nursing-shortage-here-s-why-it-s-hard-to-fill-the-gap-1.5923251](https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-feb-22-2021-1.5922712/canada-is-facing-a-nursing-shortage-here-s-why-it-s-hard-to-fill-the-gap-1.5923251) (consulté le 28 sept. 2022). 3. Ontario’s RN understaffing crisis: impact and solution. Toronto (ON): Registered Nurses’ Association of Ontario, Nov. 2021. Acessible ici : [https://rnao.ca/sites/default/files/2021-11/Ontarios%20RN%20understaffing%20Crisis%20Impact%20and%20Solution%20PAB%202021.pdf](https://rnao.ca/sites/default/files/2021-11/Ontarios%20RN%20understaffing%20Crisis%20Impact%20and%20Solution%20PAB%202021.pdf) (consulté le 28 sept. 2022).