C’est avec une certaine consternation, particulièrement en tant que chirurgien orthopédique, que j’ai entendu en automne dernier le Dr Louis Francescutti, prochain président de l’Association médicale canadienne (AMC), interviewé à l’émission de la radio anglaise de Radio-Canada White Coat, Black Art du Dr Brian Goldman. L’émission diffusée le 1er octobre 2012 portait sur la question des médecins sans emploi1. Au cours de l’entrevue, le Dr Francescutti s’est prononcé sur le problème du chômage en orthopédie et dans d’autres spécialités, sur les déficiences éventuelles des médecins plus âgés qui n’ont pas tenu leurs compétences à jour, sur l’absence de besoin de spécialistes, inflrmières ou chirurgiens et, entre autres, sur l’impression qu’il existe un parcours pour lancer un système médical parallèle avec les étudiants canadiens formés à l’étranger qui veulent revenir au Canada. En entrevue, à une question au sujet de la façon de régler le problème du chômage chez les médecins1, le Dr Francescutti a répondu (je cite) : « Avons-nous besoin de médecins et avons-nous besoin d’infirmières ? Ce sont des guildes, vous savez, qui nous nous servaient bien voilà 150 ans, mais nous servent-elles bien aujourd’hui ? » Il a ajouté : « Si vous avez, par exemple, des chirurgiens cardiovasculaires qui opèrent sur 400, 500 ou 600 cas par année, sont-ils chirurgiens ? Ou bien sont-ils techniciens ? » En réponse à une question antérieure au sujet de la pénurie d’emploi, il a répondu : « Une autre question dont personne ne parle, c’est celle des médecins âgés. Peut-être qu’il est temps pour eux de prendre leur retraite. Eh bien, ils ne peuvent pas le faire. À cause de la crise financière de 2008, un grand nombre d’entre eux sont sans le sou. » Au moment où l’entrevue a été enregistrée (en janvier 2012), le Dr Francescutti était président du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (poste qu’il a occupé d’octobre 2010 à octobre 2012); en août 2012, il a été nommé président désigné de l’AMC.
L’exécutif de l’Association canadienne d’orthopédie (ACO) a écrit au Collège royal après l’entrevue diffusée en octobre 2012 pour exprimer son mécontentement face aux commentaires du Dr Francescutti et au fait qu’il était perçu comme parlant au nom des médecins. L’ACO n’a pas été la seule organisation à se plaindre. Le Collège royal n’a pas critiqué publiquement l’entrevue; il a toutefois publié, le 26 octobre 2012, un communiqué de presse au sujet des enjeux de l’emploi2, et la question du chômage chez les médecins a fait l’objet du message de novembre du chef de la direction du Collège3. L’ACO a aussi écrit à l’exécutif de l’AMC, qui a reconnu les préoccupations et a renouvelé son engagement à trouver une solution durable à long terme pour résoudre les problèmes sérieux auxquels font face les médecins résidents canadiens.
J’écris cet éditorial en ma qualité de spécialiste canadien intéressé et non à titre de membre de l’exécutif de l’ACO. Les commentaires du Dr Francescutti à l’émission White Coat, Black Art étaient déconnectés des efforts soutenus d’éducation du Collège royal et de ses initiatives visant à résoudre les problèmes d’emploi — il était pourtant président de cette organisation au moment de l’entrevue. Il semble vraiment que le Dr Francescutti ne représente pas les idéaux du Collège royal en matière d’éducation médicale, de perfectionnement professionel et de politiques publiques saines, et qu’il ne parle pas au nom des médecins ou des soins de santé en général.
Il est manifeste que le Dr Francescutti a exprimé en public ses opinions à ce sujet d’une façon qui ne représente pas les idéaux du Collège royal. Il était président de l’organisation lorsqu’il s’est exprimé et son point de vue se démarquait tellement des principes fondamentaux de l’organisation que le lecteur peut se demander comment on pourra lui faire confiance à l’avenir pour représenter les idéaux de l’AMC et, dans l’ensemble, ceux des médecins et des soins de santé au Canada. Il pourrait faire valoir qu’il ouvrait la question aux débats ou qu’il se faisait l’avocat du diable ou quelque autre motif semblable. Il y a toutefois une différence entre provoquer la discussion et miner entièrement les efforts des organisations qui défendent les médecins et les soins de santé en général.
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucuns déclarés.