Nous avons récemment publié un court article d’opinion sur l’art de la consultation peropératoire1. Les réactions à l’échelle nationale se sont avérées fortes et vives. Le sujet semble avoir interpellé plusieurs d’entre vous et a entraîné une vague de suggestions et de commentaires fascinants. Cet engouement nous a incités à aborder l’acte de donner un deuxième avis à la demande d’un ou d’une collègue en chirurgie.
Même si plusieurs des éléments nécessaires pour donner un deuxième avis de qualité rejoignent les principes sous-tendant une bonne consultation peropératoire1, il existe aussi des différences importantes entre les 2 types de consultations. D’un côté, l’humilité et le soutien du chirurgien ou de la chirurgienne demeurent centraux dans les 2 cas. De l’autre, toutefois, il est très probable que la consultation pour une demande de deuxième avis se déroule dans un cabinet ou dans une clinique, c’est-à-dire en l’absence d’urgence réelle et des émotions associées au bloc opératoire chez le chirurgien ou la chirurgienne. De plus, la consultation pour une demande de deuxième avis pourrait être venue du patient ou de la patiente, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’une initiative du chirurgien attitré ou de la chirurgienne attitrée, et la consultation est susceptible d’entraîner des conséquences médicolégales.
Conséquemment, il faut ici prendre en compte des concepts qui vont au-delà de ceux abordés dans le contexte de la consultation peropératoire (conscience sociale et situationnelle, stabilité émotionnelle, humilité et rapidité) comme la collégialité, l’organisation, la communication en boucle fermée, les émotions des patients, les enjeux médicolégaux et le degré d’urgence.
Collégialité
Que le deuxième avis ait été demandé par le patient ou la patiente ou par le chirurgien ou la chirurgienne, il est important d’aborder le diagnostic ou plan de traitement initial sous un angle respectueux, solidaire et introspectif qui ne vient pas remettre en cause l’expertise clinique de l’autre médecin. Lorsque les patients demandent un deuxième avis, la nouvelle personne consultée a déjà une vue d’ensemble de la situation et part avec une longueur d’avance pour offrir son point de vue ou proposer un plan convenant aux patients. Nous devons éviter de nous montrer présomptueux et de supposer que nos conseils ou notre opinion sont les seuls possibles et valables. Certes, le deuxième avis pourrait constituer une amélioration par rapport au premier, mais il ne faut pas oublier que le chirurgien attitré ou la chirurgienne attitrée a vraisemblablement effectué le gros du travail en amont. Aussi, on peut difficilement présumer que le ou la deuxième médecin aurait eu le « meilleur » avis si ce dernier avait été donné en premier. L’humilité reste le mot d’ordre.
Organisation
Il arrive souvent que les patients soient exposés à des opinions déconcertantes et contradictoires dans leur cheminement, à la fois avant leur première consultation et avant celle visant à obtenir un deuxième avis. Plus le diagnostic ou le traitement proposé est complexe, plus cette situation est probable. Les patients reçoivent souvent des informations inexactes provenant soit d’Internet, soit d’une consultation précédente avec un ou une autre médecin. À plus forte raison, le chirurgien ou la chirurgienne responsable du deuxième avis doit faire preuve d’organisation autant dans sa méthode que dans sa façon de communiquer ses idées aux patients au moment de la consultation. Il importe que la communication soit claire et que les raisons des similarités ou des différences qu’il pourrait y avoir entre le premier et le second avis soient expliquées.
Communications : boucler la boucle
Une lettre ou un appel téléphonique limpide à propos du patient, des préoccupations de ce dernier et de sa réaction par rapport au deuxième avis peut être très utile au chirurgien attitré ou à la chirurgienne attitrée. Non seulement cette démarche l’orientera pour ses prochaines interactions avec le patient ou la patiente, mais, lorsque les informations sont communiquées de la bonne manière et sur un ton approprié, il y a là une occasion d’apprentissage et d’amélioration de la pratique chirurgicale. Ce type d’échange favorise également les collaborations futures. Communiquez.
Émotions des patients
Bien qu’une réaction émotionnelle des patients soit heureusement rarement la raison de la demande d’un deuxième avis, certains patients peuvent être en colère, désorientés ou anxieux lors de la consultation. Idéalement, le ou la médecin responsable du deuxième avis devrait reconnaître ces émotions tôt dans le processus, aborder le sujet directement avec la personne et faire preuve de calme et d’ouverture face aux commentaires et aux préoccupations de celle-ci, quels qu’ils soient. Prendre conscience des signes verbaux et physiques de frustration chez le patient ou la patiente, que ce soit par rapport à son état pathologique, au système de santé ou au praticien clinicien, constitue la meilleure façon d’établir ou de renouer le lien entre personne soignée et personne soignante et de raffermir la confiance. Ne sous-estimez pas le langage corporel.
Préoccupations médicolégales
Il est essentiel de bien choisir ses mots durant les consultations avec les patients et la communication du deuxième avis au chirurgien ou à la chirurgienne attitrée. Cela dit, la façon de dire les choses est d’autant plus importante lorsque la consultation comprend une dimension médicolégale (ou si une préoccupation d’ordre médicolégal pourrait survenir). Pesez bien vos mots.
Degré d’urgence
Même si l’obtention d’un deuxième avis est généralement bien moins urgente qu’une demande de consultation peropératoire, il demeure essentiel d’analyser la requête pour établir un délai de réponse approprié, considérant le manque de ressources et la surcharge qui affectent nombre de services de chirurgie actuellement. Les patients qui attendent d’obtenir un deuxième avis, comme nous l’avons mentionné précédemment, sont souvent stressés et souffrent physiquement et mentalement. Agir au moment opportun est bénéfique pour tous, y compris pour les patients et les chirurgiens ou chirurgiennes attitrés.
Une demande de deuxième avis de la part d’un ou d’une collègue représente un privilège et une tape dans le dos de sa part. Quant aux patients en quête d’un deuxième avis, ils se présentent parfois dans nos cliniques préoccupés et habités par toute une gamme d’émotions. Si nous traitons ces patients avec prévenance et bienveillance, si nous donnons un retour sur la rencontre et offrons de l’aide avec collégialité au chirurgien attitré ou à la chirurgienne attitrée, patients et médecins ne pourront que mieux se porter.
Footnotes
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.
Intérêts concurrents: E.J. Harvey est cofondateur et responsable de l’innovation médicale de NXTSens Inc.; cofondateur et médecin-chef de MY01 Inc. et de Sensia Diagnostics Inc.; et cofondateur et directeur de Strathera Inc. Son établissement bénéficie du soutien de J et J DePuy Synthes, Stryker, MY01 et Zimmer. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
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