Vers la fin de 1999, une publication du United States Institute of Medicine (IOM) a suscité de l’émoi dans la presse du monde entier. La publication était intitulée «To err is human — building a safer health system» (L’erreur est humaine — pour construire un système de santé plus sûr)». Tous les organes de communication ont concentré leur attention sur le rapport, selon lequel au moins 44 000 décès par année aux États-Unis seraient attribuables à une erreur médicale, ce total pouvant même, d’après les données publiées, atteindre 98 000. Si l’on suppose que le Canada compte environ 10 % des problèmes et des avantages des États-Unis, on parlerait alors de 4400 à 9800 décès par année liés à des erreurs du système de prestation de soins de santé.
Même si nous reconnaissons tous que les erreurs en médecine et leurs résultats indésirables sont possibles, ces données semblent écrasantes. Compte tenu du financement insuffisant du système, il est toutefois peu probable que la situation soit meilleure chez nous que chez nos voisins. Il faut s’attaquer à l’incrédulité des administrateurs et des professionnels de la santé. Le fait d’accepter qu’il existe un niveau véritable de morbidité et de mortalité causées par des erreurs (professionnelles, systémiques, administratives) constituerait le premier pas à franchir pour améliorer les résultats. La stratégie qui convient le mieux semble consister à reconnaître que nous avons un problème et à élaborer et mettre en oeuvre des stratégies à court et à long termes pour le corriger.
Le rapport de l’IOM comporte quatre paliers de recommandations. Les deux premiers portent sur les mesures législatives et réglementaires et la production de rapports obligatoires. Bien entendu, la production de rapports obligatoires suscite la crainte chez les professionnels de la santé. Les troisième et quatrième niveaux portent toutefois sur ce que les organismes des secteurs de la santé, les groupes professionnels et les organismes d’agrément peuvent faire pour relever les normes à l’égard de la santé des patients et créer un système de prestation sûr.
À quoi pourraient s’attendre les chirurgiens à court et à long termes? À titre d’exemple, combien de nos salles d’opération ont un formulaire qui indique le CÔTÉ où il faut pratiquer une intervention chirurgicale? S’il faut la pratiquer sur un organe d’une paire ou procéder à une résection, il faudrait obligatoirement que l’infirmière, le chirurgien, le patient et l’anesthésiste confirment le côté en cause par écrit à la salle d’opération afin d’assurer que l’intervention porte sur la bonne jambe, la bonne hernie ou le bon rein. Ces mesures semblent éminemment évidentes, mais elles sont difficiles à appliquer.
D’autres démarches à court terme comporteraient des protocoles cliniques, des algorithmes et des plans de traitement afin de normaliser les interventions courantes, d’éliminer les variations et de réduire les possibilités d’erreur. Même si ces mesures réduisent l’autonomie du médecin, il est peu probable que les préférences personnelles à l’égard des petits détails soient importantes dans une gestion axée sur les patients.
À long terme, l’éducation à la faculté de médecine, pendant la résidence et au niveau de l’EMC doit mettre l’accent sur l’amélioration continue de la qualité à laquelle s’attend le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada par la démarche de maintien de la compétence et l’orientation vers la sûreté dans les systèmes de prestation de soins de santé. Il est clair que le gouvernement et les dirigeants doivent injecter de l’argent dans le système afin de faciliter et d’appuyer l’apparition d’attitudes associées à la sûreté des patients. La communication, tant verticale qu’horizontale, est un facteur important de la sûreté des patients et doit en venir à faire partie intégrante de notre culture. La communication verticale, c’est la capacité du chirurgien principal d’écouter ses collègues et des membres débutants de l’équipe lorsqu’ils proposent un changement différent des modèles de la hiérarchie, tandis que la communication horizontale a lieu entre médecins, infirmières, physiothérapeutes, administrateurs, etc.
La société doit faire récompenser la correction des erreurs en médecine au lieu de la punir, comme c’est actuellement le cas. Cette façon de procéder s’applique autant aux organismes de santé qu’à la société en général. Dans le domaine chirurgical, des liens créatifs avec l’industrie en ce qui a trait à l’utilisation de technologies et d’instruments nouveaux peuvent en outre faire prendre davantage conscience des enjeux de la sécurité dans la prestation des soins aux patients.
Le Journal souhaite vivement communiquer avec ses lecteurs au sujet de la façon dont les milieux de la chirurgie peuvent aborder ces problèmes de façon proactive plutôt que réactive.