De récents événements ont mis en évidence le «vieillissement» des prestateurs de soins de santé au Canada. Non seulement y a-t-il moins de médecins et moins d’infirmières pour dispenser des soins, mais les effectifs ont tendance à être plus âgés. L’effet de ce vieillissement sur la prestation des soins reste à voir, mais on prévoit une diminution à la fois du nombre de personnes chargées de dispenser les soins et de leur capacité de continuer à travailler les longues heures imposées par les exigences croissantes d’une population vieillissante.
La situation découle d’une convergence malheureuse d’événements qui remontent à la décision prise il y a plus d’une décennie de réduire le nombre de postes de formation dans les facultés de médecine du Canada. Comme presque toutes les provinces relient le nombre de postes de formation postdoctorale à celui des postes de formation prédoctorale, le nombre net de postes de formation postdoctorale partout au Canada a diminué. Pour pratiquer la médecine familiale, il faut une formation postdoctorale. Beaucoup de gouvernements provinciaux ont décidé de perpétuer leurs postes de formation en médecine familiale et de garder le nombre ou le pourcentage des années précédentes, ce qui a réduit encore davantage le nombre de postes de formation pour les spécialités chirurgicales.
Pendant ce temps, les exigences relatives au permis d’exercice à l’échelon des provinces et à celui du Collège royal ont réduit le nombre de diplômés de facultés de médecine étrangères admissibles au permis d’exercice et à la pratique au Canada.
En même temps aussi, la baisse des paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces au titre des soins de santé a causé de sérieux problèmes de ressources à de nombreux hôpitaux. Face à la montée des coûts et à un budget fixe, beaucoup d’hôpitaux ont choisi de réduire les ressources consacrées aux traitements médicaux et chirurgicaux électifs. Ces réductions ont prolongé les temps d’attente pour des interventions de diagnostic et de traitement et alourdi le stress imposé aux médecins qui tentaient d’établir un équilibre entre la demande croissante de soins (découlant de la montée des besoins des patients et de la chute du nombre de médecins) et les maigres ressources des hôpitaux.
Il en a découlé globalement une insatisfaction face à la pratique de la chirurgie chez ceux d’entre nous qui soignent des patients au jour le jour, insatisfaction qui découle de la frustration suscitée par notre incapacité de dispenser le genre de soins que nos patients méritent selon nous. Cette insatisfaction se manifeste de plusieurs façons, y compris la migration de médecins entre les provinces ou en direction des États-Unis. Des chirurgiens qui ont d’importantes pratiques d’interventions électives ont souvent cessé d’accepter de nouveaux patients périodiquement jusqu’à ce qu’ils puissent raccourcir la liste d’attente, ce qui est une cause d’insatisfaction chez les médecins traitants et de frustration chez les patients qui ont besoin de soins. Les étudiants en médecine qui sont témoins des frustrations du personnel soignant peuvent considérer (ce qui n’est pas étonnant) que la chirurgie n’est pas une option attrayante s’ils pensent qu’ils devront passer toute leur vie professionnelle aux prises avec une série de contretemps conjugués au manque de satisfaction professionnelle.
Les gouvernements provinciaux ont reconnu qu’un des obstacles fondamentaux à la prestation de soins appropriés réside dans le nombre insuffisant de jeunes médecins formés au Canada. Ils ont donc approuvé des augmentations des inscriptions dans les facultés de médecine. De concert avec les collèges provinciaux, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a commencé à s’attaquer aux obstacles au permis d’exercice qui empêchent souvent des médecins possédant les compétences spécialisées nécessaires de pratiquer au Canada. Ces initiatives ne suffisent toutefois pas face à la situation actuelle où des millions de personnes sont incapables d’avoir accès à un médecin de famille et des milliers d’autres patients ne peuvent avoir facilement accès à des spécialistes.
Dans plusieurs régions, on a tenté de s’attaquer au problème immédiat de diverses façons, notamment en régionalisant les soins pour essayer d’éviter le double emploi au niveau des ressources, en affectant du financement aux «points chauds» pour recruter et garder des médecins dans certaines spécialités et du financement supplémentaire pour s’attaquer à des problèmes particuliers liés aux listes d’attente.
Que signifient toutes ces initiatives pour les chirurgiens du Canada? À court terme, il n’y a pas de soulagement en vue pour régler la pénurie courante et continue de chirurgiens spécialistes au Canada. À long terme, on peut seulement espérer que la crise actuelle débouchera sur un programme plus complet et cohérent de prestation des soins aux patients.
Les chirurgiens devraient être à l’avant-plan de cette discussion. On s’est attaqué au premier problème : il y a maintenant davantage de places de formation dans les facultés de médecine qu’il y a 10 ans. Nous devrions néanmoins avoir entrepris des discussions continues avec le Collège royal, les universités et les collèges des provinces pour assurer que nos préoccupations ont le poids approprié dans les décisions prises. Nous devons augmenter le nombre de places de formation de chirurgiens spécialisés au Canada. Nous devons de plus être certains que le Collège royal et les collèges des provinces disposent de mécanismes appropriés pour déterminer quels médecins immigrants pourraient dispenser des soins après une formation d’actualisation appropriée et une évaluation. Je suis d’avis qu’ une grande partie de l’insatisfaction actuelle découle du fait qu’on n’a pas consulté les médecins actifs lorsqu’on a adopté les politiques sur la formation postdoctorale et l’affectation des ressources aux hôpitaux. Il ne faudrait pas répéter l’erreur.
Les commentaires, suggestions ou idées que les lecteurs pourraient avoir sur cette question importante seront appréciés.
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