Comme stagiaire débutant en chirurgie au Programme de résidence en chirurgie générale de l’Université de l’Alberta, j’ai constaté qu’un de mes mentors montrait une patience excessive en m’apprenant, étape par étape, les éléments fondamentaux d’une technique chirurgicale. Un jour que je terminais une anastomose intestinale et recevais des commentaires persistants et patients à chaque étape tout en étant surveillé par l’équipe opératoire (et conscient de l’heure), j’ai réalisé que mon mentor était aussi déterminé que moi à ce que je réussisse lorsqu’il s’est exclamé «Ce résident doit apprendre!».
Cette façon consacrée de décomposer une intervention chirurgicale en formulant des commentaires à la minute a été étudiée par Backstein et ses collaborateurs à l’Hôpital Mount Sinai de Toronto et au Centre des techniques chirurgicales de l’Université de Toronto dans ce numéro du Journal canadien de chirurgie (page 195). Ces chercheurs ont évalué l’efficacité des commentaires enregistrés sur vidéo au cours de trois exercices consécutifs portant sur un modèle d’anastomose vasculaire. L’analyse ne révèle aucune différence importante au niveau du résultat des listes de contrôle technique et de l’évaluation globale des résidents qui ont reçu des commentaires vidéos répétés comparativement à ceux d’un groupe témoin qui a reçu des commentaires de chirurgiens experts seulement.
Cette étude présente des messages extrêmement précieux. La valeur des commentaires verbaux personnalisés d’un chirurgien expert demeure un modèle exceptionnel d’enseignement des techniques chirurgicales. Il s’agit là d’une raison importante pour nous de reconnaître l’importance de donner aux chirurgiens le temps d’enseigner en salle d’opération, surtout au moment où l’inscription aux programmes de formation augmente afin de répondre aux besoins futurs en soins chirurgicaux au Canada.
Par ailleurs, même si les commentaires vidéos et l’analyse des experts n’ont pas semblé produire d’avantage supplémentaire important, il ne faut pas rejeter cette méthode comme moyen d’appuyer un enseignement efficace. Le coût et la disponibilité du temps d’enseignement posent des défis de plus en plus lourds pour l’expérience en salle d’opération et les heures d’enseignement. Une séance de formation vidéo conjuguée à des commentaires précis pourrait sûrement aider à relever ces défis. Comme dans le cas de toute technologie, le défi posé par la vidéo consiste à déterminer des modèles rigoureux comportant des investigations supplémentaires. Les formateurs en chirurgie ont de plus en plus accès à une foule de nouveaux systèmes en développement. Ces systèmes comportent des paramètres qui permettent de suivre les erreurs liées au temps, la trajectoire des instruments, la longueur des voies utilisées, les ratés liés aux instruments, les dommages causés aux tissus, la tension imposée aux tissus, l’emplacement des pinces et même la perte de sang. Des données nouvelles montrent que les experts et les novices diffèrent lorsque l’on suit ces paramètres avec précision. La tâche consiste à intégrer ces paramètres à une analyse vidéo comme on l’a fait dans le cadre de l’étude en cours. Après tout, on utilise couramment la technique d’un chirurgien enregistrée en vidéo pour choisir les participants à des essais cliniques multicentriques afin de réduire au minimum «l’effet de l’habileté». Le facteur peut concorder avec l’affirmation des chercheurs selon lesquels les commentaires sur vidéo sont meilleurs comme aide à la formation avancée.
Un défi important que doivent relever les formateurs en chirurgie consiste à créer des centres modernes de formation qui réunissent l’expertise des enseignants et des chercheurs dans la mise au point de techniques chirurgicales. Le Centre des techniques chirurgicales de Toronto en est un exemple de premier plan. À la suite d’initiatives récentes, l’American College of Surgeons a déterminé qu’il fallait créer un réseau de centres d’excellence en formation dans une vingtaine d’établissements en Amérique du Nord. Ces centres ne remplaceront pas la méthode normalisée que constituent les programmes de formation en résidence, mais ils compléteront et étendront la capacité de formation innovatrice en chirurgie. L’acceptation constitue la première étape de ce processus qui regroupera des études de validation afin de déterminer des modèles comme ceux qu’ont utilisés Backstein et ses collaborateurs. La deuxième étape consiste à incorporer les modèles dans les programmes d’études. Une analyse objective des techniques suivra. Pour définir la compétence, il faudra peut-être un système informatisé qui suit les paramètres. La dernière étape consiste à évaluer la maîtrise technique. Cette évaluation se fera par des experts qui peuvent définir l’évolution des résidents vers un niveau avancé de formation.
En résumé, la prestation efficace d’une formation spécialisée en chirurgie a de nombreux défis à relever. L’étude réalisée par Backstein et ses collaborateurs porte sur des aspects importants de l’évaluation des techniques chirurgicales à la fois par des examinateurs experts et au moyen d’un processus à base de technologie. Les deux volets sont essentiels, mais il y a beaucoup de travail à faire pour élaborer et améliorer les évaluations. Nous devons tous faire preuve de la même détermination pour que nos résidents apprennent et acquièrent les techniques chirurgicales nécessaires.
Footnotes
Intérêts concurrents: aucuns déclarés.