Au cours d’une semaine typique, les urgences en chirurgie générale sont les services de chirurgie les plus occupés au Canada. Les chirurgiens généraux répondent aux urgences 24 heures par jour et fournissent des soins à toutes les étapes d’une maladie critique, d’une défaillance d’organes multiples, du rétablissement et de la réadaptation. Malheureusement, les structures d’appui de la chirurgie générale n’ont pas réussi à suivre l’évolution vers des cas plus graves et plus complexes tout en répondant aux impératifs cliniques de rapidité des soins et d’attention aux détails. Dans ce numéro du Journal canadien de chirurgie, plusieurs articles décrivent l’attrait croissant qu’exerce un nouveau modèle de soins d’urgence en chirurgie générale, la « chirurgie en soins actifs » (CSA)1–3. Ce modèle a été mis en service dans 13 centres canadiens et un mouvement général en Amérique du Nord vise à l’officialiser4.
La chirurgie en soins actifs présente de nombreuses occasions d’améliorer l’accès aux soins, de hausser la barre de la prestation des soins d’urgence et d’améliorer les résultats pour les patients, l’éducation en chirurgie et le mode de vie des chirurgiens généraux. Les patients chez lesquels on pose de façon responsable un diagnostic d’appendicite, d’occlusion, de complications de calculs biliaires, de diverticulite, de tumeur gastro-intestinale, d’hémorragie gastro-intestinale, de perforation des viscères ou d’ischémie du mésentère peuvent être évalués plus rapidement par des équipes spécialisées en CSA. Des vérifications de la pratique ont montré que le temps de réponse à l’urgence diminuait et que l’accès à la salle d’opération d’urgence était plus rapide pour les patients. C’est aussi une occasion de regrouper les soins afin qu’il soit possible de mettre en œuvre des normes d’amélioration du rendement. Comme on commence à réunir des données indiquant que les résultats s’améliorent pour les patients (réduction de la durée du séjour), il faut adopter une approche systématique de l’amélioration de la qualité comme cela s’est fait dans d’autres programmes comme le projet national d’amélioration de la qualité en chirurgie ou le modèle des soins agréés en traumatologie. Les centres qui maintiennent des programme rigoureux de formation en chirurgie (y compris ceux qui offrent des programmes de formation distribuée) auront ainsi plus de possibilités d’améliorer les expériences d’apprentissage2.
La viabilité et la réussite de la CSA passent par des engagements fermes des chirurgiens généraux, des apprenants, des professionnels de la santé et des établissements. Il faudrait se demander si tous les chirurgiens généraux surspécialisés peuvent s’engager et se donner une zone de confort face à l’éventail des conditions définies par la CSA. Leur engagement devient difficile si on ne peut pas les libérer de multiples priorités divergentes à cause desquelles on fait appel à eux pour d’autres services comme la traumatologie, la médecine hépatobiliaire, la transplantation et l’oncologie. Dans les centres universitaires, il faut rapprocher des priorités administratives et scolaires divergentes et la capacité de tenir les engagements liés à la CSA de façon opportune.
La nécessité de faire preuve de prudence dans le transfert de cas complexes entre chirurgiens et médecins résidents et entre quarts de travail exige un engagement majeur. Le transfert des soins continus est devenu une norme dans certains modèles (p. ex., aux soins intensifs), mais les normes de communication doivent être rigoureuses si l’on veut obtenir de bons résultats pour les patients. Les services de chirurgie en soins actifs doivent suivre une approche systématique afin de minimiser les problèmes de transfert au moyen de la vérification des pratiques de soins et de la création d’algorithmes normalisés pour les transferts au quotidien entre les équipes chirurgicales.
Il importe pour un centre de s’engager envers un modèle novateur de pratique afin de créer les équipes dynamiques nécessaires à la CSA. Outre des chirurgiens traitants et leurs stagiaires, ces équipes comprennent des infirmières praticiennes spécialisées, des diététistes, des physiothérapeutes et des pharmaciens. De plus, la CSA peut aider nos collègues qui dirigent des services de traumatologie où le volet de gestion opérationnelle a diminué. Dans ce dernier groupe, l’engagement novateur envers la CSA peut nous aider à recruter et à garder des chirurgiens clés qui peuvent ainsi conserver leurs techniques chirurgicales.
Enfin, un engagement envers la stabilité financière s’impose. Il faut composer avec le rythme imprévisible de la chirurgie à l’urgence et avec le besoin pour les chirurgiens généraux et leurs équipes de demeurer disponibles sans que des priorités cliniques administratives ou scolaires divergentes ne détournent leur attention. L’établissement doit appuyer un modèle de financement stable combiné à un engagement de protéger le temps en salle d’opération durant toute la semaine. Cet engagement des services périopératoires évite aussi le problème que pose l’obligation de pratiquer des interventions chirurgicales majeures et techniquement exigeantes le soir, lorsque le personnel de soutien est réduit.
Le modèle de CSA est-il pertinent pour les hôpitaux qui desservent des communautés en dehors des grands centres de soins tertiaires ou quaternaires ? La réponse à cette question sera liée à l’accès à une masse critique de chirurgiens traitants, ainsi qu’à la stabilité financière des centres. Vu que beaucoup de centres participent maintenant comme campus universitaires régionaux et comptent des apprenants du troisième et du premier cycles, il existe un argument convaincant à l’appui du modèle dans ces centres. De plus, un système de référence régional ou provincial qui définirait les conditions de chirurgie générale selon des critères précis pourrait faciliter les transferts rapides, à l’intérieur du réseau, vers le centre le mieux nanti en ressources matérielles et humaines.
En résumé, nous observons une croissance dynamique de l’intérêt suscité par la CSA, qui vient remplacer le cadre désuet des soins définitifs et d’importance vitale pour les patients les plus malades en chirurgie générale. Il en découlera une occasion sans précédent de faire progresser le soin des patients, la formation et la recherche en chirurgie, et de définir une nouvelle force unificatrice en chirurgie générale au Canada.
Footnotes
Intérêts concurrents: aucuns déclarés.