Au Canada, les dépenses totales en santé prévues pour 2015 s’élevaient à 219,1 milliards de dollars, soit 6105 dollars par habitant1. Les soins orthopédiques comptaient pour environ 12 % des dépenses associées aux soins actifs dans les hôpitaux2. En 2012–2013, pour chaque dollar fiscal, 42 cents ont servi à financer les soins de santé en Ontario. Si rien ne change, les dépenses en santé pourraient représenter jusqu’à 70 % du budget provincial d’ici 20253.
C’est pour freiner cette augmentation que la réforme du financement du système de santé (RFSS) a été implantée en avril 2012 dans le cadre du Plan d’action de l’Ontario en matière de soins de santé. Parmi les principaux éléments de cette réforme, notons la mise en place d’un modèle normalizé de paiement regroupé pour les actes médicaux fondés sur la qualité (AMFQ) visant à encourager les soins qui améliorent les résultats pour les patients. D’autres pays, dont les États-Unis, tendent également vers l’adoption de modèles semblables4,5. Parmi les AMFQ actuellement posés en Ontario, 20 % (c.-à-d. 4 sur 20) sont des interventions en chirurgie orthopédique6.
L’objectif derrière l’implantation de la RFSS et l’imposition d’AMFQ est le même : améliorer la qualité des soins de santé. C’est bien connu : en améliorant la qualité des soins et la satisfaction des patients, on obtient de meilleurs résultats pour les patients et une diminution des coûts. Mais en quoi consiste l’amélioration de la qualité? Quelle est la meilleure méthode pour la mettre en œuvre et l’évaluer?
Quelle est la place de la qualité dans le contexte actuel des soins de santé?
Selon l’Institute of Medicine7, des soins de qualité doivent être sécuritaires, efficaces, axés sur le patient, efficients, équitables et fournis dans des délais raisonnables. L’amélioration de la qualité ne passe pas nécessairement par une augmentation des dépenses : elle peut même servir à économiser de l’argent. En effet, une meilleure coordination des soins peut se traduire par une diminution du taux de complications, de la durée des séjours, des réadmissions et de l’utilization des services de santé après une chirurgie8. L’évaluation et l’amélioration de la qualité des soins reposent sur 3 dimensions séquentielles et interreliées, soit les structures, les processus et les résultats9.
De plus en plus, les données recueillies au moyen d’ensembles de données locaux sont transmises à des registres provinciaux et nationaux afin de favoriser les initiatives d’amélioration de la qualité10,11. Dans le cadre du National Surgical Quality Improvement Program de l’American College of Surgeons, on évalue et compare la qualité des soins chirurgicaux offerts en Amérique du Nord pour aider les hôpitaux à cibler certaines complications évitables12–16. Compte tenu de l’évolution constante des soins de santé attribuable aux diverses percées dans les technologies, les procédés et les connaissances médicales, il devient essentiel d’adopter un cycle de type « Planification–Exécution–Étude–Action », au moyen duquel il sera possible d’analyzer instantanément les données et de fournir constamment de la rétroaction aux fins de révision et d’amélioration continues16.
L’amélioration continue de la qualité (ACQ) repose directement sur ce type de cycle. Elle s’applique à tous les processus visant à fournir un produit ou un service à un consommateur de façon à combler ou à dépasser ses attentes. Toute initiative d’ACQ doit reposer sur une stratégie de planification cohérente servant à évaluer les structures et les processus actuels et à les améliorer pour atteindre la vision et les résultats souhaités17,18. Pour ce faire, il est de plus en plus fréquent dans le secteur des soins de santé, notamment en chirurgie orthopédique, d’avoir recours à la méthode des coûts par activités tout en tenant compte du temps requis19.
ACQ et chirurgie orthopédique
Parmi les principaux aspects de la plupart des programmes d’ACQ, notons : la collecte de données permettant l’évaluation des structures, des processus et des résultats pour les patients; le transfert aux chirurgiens et aux intervenants des données sur le rendement et les résultats, de préférence après qu’elles aient été ajustées en fonction du risque et étalonnées; la mise en œuvre d’interventions appropriées pour atténuer les variations inutiles entre les soins tout en améliorant le rendement20.
Même si leur utilization dans le secteur des soins de la santé est relativement récente, les programmes d’ACQ ont fait leurs preuves pour améliorer les résultats pour des patients en chirurgie orthopédique, notamment dans le cadre d’une initiative dirigée par l’Alberta Bone and Joint Health Institute21,22. Dans certaines surspécialités de la chirurgie orthopédique, d’autres indicateurs de qualité ont également été recensés, comme la prévention des chutes23, l’administration d’antibiotiques au service des urgences24 et l’utilization immédiate de l’IRM en cas de lésions médullaires graves25.
En Ontario, les programmes d’amélioration de la qualité sont désormais obligatoires, et ils s’inscrivent dans le cadre des priorités du système et de la province24. Les chirurgiens doivent comprendre les principes fondamentaux de l’ACQ et la façon de les appliquer aux soins de leurs patients afin de jouer un rôle actif dans cette quête25. Deux facteurs sont essentiels à l’instauration d’une culture axée sur l’amélioration de la qualité et de la sécurité des patients dans le secteur des soins de santé : la collaboration et l’intégration. Il peut cependant être difficile d’améliorer concrètement le rendement pour différentes raisons touchant la qualité, la conception des processus de prestation des soins, l’évaluation des apports et des résultats, la collaboration des intervenants et les programmes d’incitation au rendement. Parmi les obstacles couramment signalés, notons le manque de temps, de ressources et de formation ainsi que les contraintes associées à d’autres changements26–29. Les futurs efforts d’amélioration de la qualité devront reposer sur un leadership affirmé des médecins afin que soit mise sur pied une équipe de soins optimale et axée le plus possible sur le patient8.
En résumé, les programmes d’ACQ visant des services de soins de santé peuvent orienter la prise de décisions et, grâce à l’application des connaissances, optimiser les soins et en améliorer l’efficacité. Parmi les résultats potentiels, soulignons une plus grande satisfaction des patients, une amélioration des résultats déclarés par les patients, des plans d’interventions plus efficaces et des économies globales.
Footnotes
Fruit d’une collaboration spéciale, cet éditorial sur les mesures de contrôle de la qualité en chirurgie orthopédique arrive à point nommé: en effet, il est grand temps que des mesures d’amélioration de la qualité utiles et élaborées par des médecins soient adoptées. Nous ne voulons plus nous voir imposer des mesures élaborées et approuvées sans notre concours. Et pour que les choses changent, toutes les spécialités chirurgicales devront mettre la main à la pâte.
Intérêts concurrents : Aucun déclaré.