En médecine, les résultats comptent. De tous temps, nous nous sommes fiés à notre jugement pour évaluer l’efficacité des soins que nous prodiguons. Mais nous avons passé les deux dernières décennies à déployer des efforts concertés pour déterminer l’impact des résultats déclarés par les patients (RDP) sur la validation de nos interventions et de nos protocoles. Et nous sommes toujours dans une impasse quand vient le temps d’interpréter ces résultats.
Les RDP sont des données transmises par nos patients, mais sans que l’équipe soignante concernée puisse les interpréter. L’atout des RDP est qu’ils sont le reflet direct de la qualité de vie et du statut fonctionnel des patients, et en ce sens, ils témoignent du degré de réussite de nos interventions de l’avis des patients eux-mêmes. Malheureusement, beaucoup de données internes propres aux patients peuvent être incluses dans une telle évaluation : les résultats qu’ils perçoivent dans une évaluation globale suivant une appendicectomie peuvent avoir autant à voir avec le stationnement ou la nourriture de l’hôpital qu’avec la compétence de leur chirurgien. Les chercheurs ont tenu compte de ce type de variables en utilisant des questionnaires dirigés pour interpréter les réponses des patients.
Les outils ou les instruments utilisés pour évaluer les RDP sont des mesures des résultats déclarés par les patients (MRDP) et des mesures de l’expérience déclarée par les patients (MEDP). Les MRDP sont des questionnaires administrés pour déterminer l’état de santé des patients. Les MEDP évaluent la perception des patients quant aux soins de santé qu’ils ont reçus. Ces outils donnent une valeur plus objective aux réponses subjectives des patients. Nous utilisons plusieurs paramètres objectifs pour évaluer le traitement, notamment des paramètres physiologiques, des marqueurs et des radiographies, mais les MEDP sont désormais souvent utilisés comme mesures d’appoint.
Les administrateurs hospitaliers ont d’autres résultats en tête. Ils se préoccupent davantage de questions monétaires, et les MEDP peuvent servir à établir des scores de viabilité économique. Certains questionnaires généraux (p. ex., Euro-Qol, SF-12) mesurent la qualité de vie en lien avec la santé, ce qui permet d’estimer les années de vie pondérées en fonction de la qualité (AVAQ), et peut servir de point de départ à une discussion sur les coûts. En tant que marqueurs substituts au fil du temps, les AVAQ nous aident à justifier des interventions ou des appareils coûteux.
Comme le décrivent bien Rhee et ses collaborateurs dans leur article publié dans ce numéro1, nous avons progressivement remplacé les RDP par des résultats économiques. Ces données sont beaucoup plus faciles à analyser grâce aux techniques d’exploration des données et aux volumineuses bases de données sur les soins aux patients qui incluent des renseignements de nature économique. C’est une arme à double tranchant. Nous voulons savoir si les mesures sont économiquement viables. Compte tenu des contraintes budgétaires auxquelles le milieu hospitalier est soumis actuellement, il nous incombe de promouvoir des options thérapeutiques économiquement responsables. Malheureusement, le clivage entre la dimension économique et les résultats chez les patients ne pourra que s’accentuer si nous n’arrivons pas à arrimer les deux. Toute forme de technologie nouvelle sera coûteuse au départ. En effet, dans une analyse des coûts, comment, une plaque d’ostéosynthèse moderne avec un minimum de points de contact peut-elle rivaliser avec les systèmes à base de plaques à vis verrouillées? De même, les nouveaux appareils de laparoscopie minimalement effractifs sont toujours plus coûteux. Aux États-Unis, le remboursement est établi à partir des scores de satisfaction des patients2, mais il pourrait être dangereux de se fier uniquement aux scores de satisfaction des patients sans tenir compte du tableau d’ensemble. La satisfaction des patients ne dépend ni des protocoles hospitaliers, ni de la conformité aux normes chirurgicales agréées, ni même du fait que l’intervention soit une pratique acceptée ou non.
Ma crainte est que si nous ne faisons pas le point sur les paramètres à mesurer et sur le moment opportun de le faire, et si nous ne replaçons pas les résultats dans leur contexte, nous aurons beaucoup de difficulté à déterminer si les traitements prodigués à nos patients sont adéquats.
Footnotes
Intérêts concurrents: E.J. Harvey est médecin hygiéniste en chef de Greybox Healthcare (Montréal) et président du Conseil d’administration de NXT-Sens Inc. (Montréal).
Les opinions exprimées dans cet éditorial sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne ou ses filiales.