Les auteurs rapportent un cas de luxation traumatique négligée de la rotule de découverte tardive chez un adulte jeune. En l’absence de facteurs favorisants d’instabilité rotulienne, elle constitue un cas clinique exceptionnel. La réduction chirurgicale a nécessité des interventions sur les os et sur les tissus mous. L’évolution à long-terme se détériore sur le plan radiographique tandis que les résultats fonctionnels demeurent satisfaisants.
En pratique courante, les luxations de la rotule sont des lésions traumatiques rares auxquelles sont attribuées une origine congénitale responsable d’une anomalie morphologique du genou (genu valgum, genu flexum, genu recurvatum, dysplasie, etc.) ou de l’appareil extenseur (hyperlaxité, instabilité, etc.). Les luxations traumatiques sont habituellement récentes et accessibles au traitement orthopédique. 1 De ce fait la découverte d’une luxation traumatique négligée de rotule constitue une observation clinique exceptionnelle.
Observation
Monsieur N.K.A., 29 ans, consultait au mois de mai 1998 pour des gonalgies droites évoluant depuis 3 mois accompagnés de blocages transitoires répétitifs lors de la marche prolongée. Le traumatisme initial était survenu 8 ans plus tôt en novembre 1990, à la suite d’une chute d’un arbre, le genou était resté bloqué entre les branches en position demi fléchi. L’examen révélait un genou volumineux, une amyotrophie quadricipitale importante, une saillie douloureuse au bord latéral du genou correspondant à la rotule. Il existait un déficit de l’extension active de 5°. La radiographie montrait sur le cliché de face une bascule latérale de la rotule et sur le cliché de profil, un vide sus condylien. Il s’agissait d’une luxation latérale invétérée de la rotule (Fig. 1).
L’intervention chirurgicale réalisée le 14 juillet 1998 a comporté plusieurs gestes: Une section verticale de l’aileron rotulien latéral. Une spongialisation associée à une perforation type Pridie de la face articulaire de la rotule par forage superficiel à l’aide d’une mèche de 2 mm. Une médialisation d’environ 2 cm de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) fixée par 2 vis corticales antéropostérieures selon la technique d’Emslie-Trillat. Un allongement du tendon quadricipital au moyen d’une plastie en Z et une plastie du vaste médiale par suture à la face superficielle de la rotule d’un lambeau musculo-aponévrotique interne selon la technique d’Insall. Après 7 ans d’évolution, on notait au dernier contrôle un renforcement de la trophicité du quadriceps, une flexion active à 105° et une extension normale. La radiographie objectivait un remaniement arthrosique fémoropatellaire et une rotule basse (indice de Caton à 0,6 cm) (Fig. 2). Le résultat fonctionnel global était apprécié par le score fémoro-patellaire Lillois.2 Il était très bon (93 points/100). Le résultat subjectif était moyen (5/10).
Discussion
Les luxations post-traumatiques négligées de rotule sont rarement décrites dans la littérature. Notre observation concerne un patient de 29 ans, dont la luxation initiale s’est produite selon le mécanisme classique décrit par Gatha et Orengo3. Il s’agit d’une luxation latérale sur genou légèrement fléchi faisant basculer la rotule en regard du condyle latéral par un choc tangentiel après rupture de l’aileron rotulien médial. La longue évolution est à l’origine des lésions morphologiques et fonctionnelles. En milieu tropical la médecine traditionnelle est une pratique courante faisant de certaines pathologies des découvertes tardives.
Les gestes chirurgicaux sont inspirés des principes généraux de la chirurgie de luxation de la rotule tels que préconisés par Dejour,1 et Chassaing et Tremoulet.4 Le recentrage de la rotule confinée à une section isolée de l’aileron rotulien latéral ne peut sécuriser la stabilité transversale de celle-ci et indiquait une plastie simultanée du vaste médial. Raimondo et al5 ont bien souligné le rôle important de ce muscle dans la stabilisation de la rotule car il est responsable de la réaxation et de la prévention des subluxations latérales et des altérations. Le recentrage complet a été possible après une transposition médiale de la tubérosité tibiale antérieure. L’allongement du tendon quadricipital rétracté a permis d’abaisser la rotule dans la gorge de la trochlée. Cette plastie en Z ne doit pas être excessive, car de notre point de vue elle est à l’origine de la rotule basse constatée à long-terme. Les résultats satisfaisants à court terme semblent se détériorer progressivement surtout au plan radiographique, marqués par une déminéralisation et la survenue d’une arthrose sans pour autant altérer le résultat fonctionnel initialement acquis. L’évaluation du genou par le score Lillois montre à notre recul un genou indolore et stable dans la vie quotidienne, au travail ou au sport.
Conclusion
Les rétractions fibreuses et tendineuses qui compliquent la malposition rotulienne dans une luxation négligée sont des facteurs péjoratifs difficiles à vaincre.
Le traitement chirurgical est logique car le recentrage de la rotule permet d’obtenir un genou fonctionnel et de retarder la survenue d’une arthrose fémoro-patellaire précoce. Dans tous les cas, en raison des difficultés thérapeutiques, toute luxation doit être réduite en urgence afin de prévenir des séquelles invalidantes.
Footnotes
Travail présenté au 9e Congrès de l’AOLF (Association des orthopédistes de langue française), à Montpellier, France, du 14 au 16 mai 2004.
Intérêts concurrents: aucuns déclarés.
- Accepted August 31, 2006.